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Chine : les progrès technologiques au service de la dictature 2.0

Généralement, lorsqu’on parle de la Chine, c’est avant tout pour aborder les nombreuses avancées technologiques qu’elle met au point ou pour évoquer son histoire si particulière. Mais au-delà de ces aspects, l’Empire du Milieu a recours à des méthodes qui inquiètent concernant la gestion et le contrôle de sa population.

Depuis longtemps, la Chine fait l’objet d’une admiration ambigüe, à la fois passionnante et inquiétante. Un phénomène lié à son histoire et aux différents régimes politiques qui ont gouverné le pays. Aujourd’hui encore, gouvernée par un seul parti, le Parti communiste, avec à sa tête le Président Xi Jinping, la situation de la Chine inquiète.

« On retrouve des aspects de dictature dans le fait que le pays ne compte qu’un seul parti et que le pouvoir est laissé aux mains d’un seul homme, Xi Jinping. Mais on peut également parler d’un régime totalitaire dans le sens où le pouvoir en place contrôle absolument tous les aspects de la société, notamment grâce aux nouvelles technologies dont la Chine est friande », explique Philippe Grivon, coordinateur Chine chez Amnesty International.

Il est vrai que le gouvernement chinois a tendance à porter une attention particulière à sa population, une attention qui va loin, du comportement de ses citoyens dans les rues à leurs interactions sur les réseaux sociaux en passant par leur situation financière. Les autorités chinoises ont recours aux nouvelles technologies pour garder un œil attentif sur sa population.

Plus de 200 millions de caméras de surveillance

Les grandes villes du pays sont truffées de caméras de vidéosurveillance. Une manière pour les autorités de prévenir les crimes – la Chine est l’un des pays les plus sûrs au monde -, mais aussi de réagir plus rapidement en cas d’accident.

La plupart des caméras de surveillance sont dotées de la technologie de reconnaissance faciale. Là encore, l’objectif serait de repérer plus facilement les criminels recherchés et d’identifier les personnes qui ont commis une infraction ou une incivilité.

Pour aller encore plus loin, le gouvernement chinois a également mis au point des drones-espions pour surveiller de nouveau sa population. Ceux-ci sont notamment déguisés en pigeons afin de passer inaperçus.

Couplé à l’intelligence artificielle, cet immense système de caméras de surveillance permet aux autorités d’avoir accès en permanence aux données personnelles des citoyens.

Évidemment, cette omniprésence de caméras pose de nombreuses questions, notamment sur le respect de la vie privée. Une surveillance permanente qui rappelle forcément le roman de George Orwell, 1984.

Une surveillance généralisée

Malheureusement, la surveillance de la population chinoise ne se limite pas à la sphère publique. Elle s’illustre également dans une sphère plus personnelle. En effet, pas question d’être en lieu sûr sur Internet, par exemple. La toile est infestée de systèmes de surveillance. Les autorités chinoises cadrent avec force l’utilisation d’Internet.

Une censure qui est notamment permise grâce aux progrès de l’informatique, mais également aux nouvelles technologies. De nouveau, l’intelligence artificielle a un rôle important dans la surveillance de l’Internet chinois puisqu’elle permet de repérer plus facilement des sites qui ne seraient pas en adéquation avec l’idéologie prônée par le Parti communiste.

Certains mots clés, images ou vidéos jugés comme nocifs pour la société chinoise sont recherchés par l’AI sur les pages internet, dans les commentaires postées, mais également dans les conversations des civils. Cela représente une taille de données impressionnantes que seule une intelligence artificielle à la pointe de la technologie est capable de traiter en un temps record.

Des progrès technologiques pour cadrer la population

Le Parti communiste utilise également les nouvelles technologies pour influencer sa population. Pour cela, le gouvernement mise sur l’humiliation et la honte afin de pousser les « mauvais » citoyens à s’améliorer en rendant public leur défaut de payement, par exemple. Ainsi, la Chine a lancé une application de géolocalisation qui répertorie les personnes endettées aux alentours.

Certains opérateurs ont également mis en place une sonnerie spéciale afin de pousser les interlocuteurs à demander à leur correspondant endetté de payer rapidement leurs dettes. Enfin, grâce à la reconnaissance faciale, les auteurs de mauvaises actions dans l’espace public sont affichés sur de grands écrans, dans le seul et unique but de les humilier.

Une acceptation ambigüe de la part de la population

Cette surveillance et ce contrôle particulièrement abusifs du gouvernement chinois sur la population ne se sont évidemment pas faits en un jour. C’est en partie pourquoi le peuple chinois ne se révolte pas contre ces intrusions dans sa vie privée, mais ce n’est pas la seule explication.

Comme nous l’a expliqué Philippe Grivon, coordinateur Chine chez Amnesty International Belgique, l’idéologie du Parti communiste a un impact important sur la population chinoise, par tradition ou soumission, mais il n’est pas que négatif. Dans la culture chinoise, l’identité nationale est essentielle et le gouvernement chinois le sait, c’est pourquoi il mise beaucoup sur les nouvelles technologies pour rassembler la population. « La Chine a beaucoup souffert au cours de son histoire, donc aujourd’hui les progrès technologiques sont perçus comme une chose positive et sont valorisés, parfois au détriment de certaines libertés », rappelle Philippe Grivon.

En parallèle des mesures mises en place pour surveiller sa population, le gouvernement chinois actuel a également œuvré à améliorer les conditions de vie de ses citoyens, précise le coordinateur Chine d’Amnesty International. « Ce n’est pas une dictature bête et méchante, mais plutôt une dictature éclairée. Le gouvernement n’agit pas uniquement contre le peuple, mais avance avec lui ».

Enfin, l’acceptation affichée du peuple pour ces mesures de surveillance et d’intrusion dans leur vie privée s’explique également parce que ce concept n’est pas aussi culturellement important pour les Chinois que pour nous, occidentale. De plus, « partager ses données et informations personnelles peut être associée aux principes de l’idéologie du communisme. Accepter de les partager, c’est aussi montrer qu’on n’a rien à cacher », souligne Philippe Grivon.

Il ne faut cependant pas croire que la population chinoise est entièrement d’accord avec les mesures prises par le gouvernement, mais l’oppression y est telle qu’il n’est pas évident – voire déconseillé – de critiquer les décisions des autorités chinoises. Toutes critiques sur la toile et les réseaux sociaux sont d’ailleurs épiées et leurs auteurs risquent des sanctions importantes.

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