The Line : ceux qui refusent l’expropriation sont condamnés à mort

Alors que la construction de la ville du futur a commencé en Arabie Saoudite. En lieu et place de négociations, le pays force l’expropriation et condamne à mort ceux qui s’y opposent.

Il y a quelques jours de cela, les premières images du chantier de The Line nous parvenaient. Pour rappel, il s’agit de la ville du futur imaginée par l’Arabie Saoudite et son prince héritier, Mohammed ben Salmane. Pierre angulaire du projet Neom et du plan Vision 2030, The Line est un projet pharaonique. Tant d’un point de vue architectural, qu’en termes de budget. Le chantier traverse littéralement le pays d’est en ouest. 170 km de long, 500 m de haut, une population de 9 millions de personnes et la promesse d’un futur zéro carbone grâce à des façades en miroir. Plus qu’ambitieux, les experts s’accordent à dire que cela relève de l’utopie.

Cependant, c’est pour une tout autre raison que la mégapole fait parler d’elle aujourd’hui. L’ONG ALQST, qui défend les droits humains en Arabie Saoudite, a publié un communiqué dans lequel elle rapporte la condamnation à mort de trois citoyens saoudien : Shadli, Ibrahim et Ataullah al-Huwaiti. Le rapport ? Ces hommes ont refusé de quitter leurs terres, qui se trouvent sur le tracé de The Line. Pire encore, c’est le Specialized Criminal Court (SCC) qui a prononcé la sentence. Or, ce tribunal est censé juger les affaires terroristes.

Condamner pour mieux régner

La tribu Huwaitat, à laquelle appartienne les trois hommes, est d’ailleurs touchée dans son ensemble. Dans son communiqué, ALQST précise que « plusieurs autres familles ont été expulsées et déplacées de force pour faire place au mégaprojet Neom ». En effet, les autorités saoudiennes recourent massivement à l’expropriation forcée. Nul ne doit se tenir sur le chemin du progrès. Des milliers de citoyens sont donc « priés » de s’installer ailleurs, contre la promesse de recevoir 100.000 à 300.000 riyals saoudiens (ndlr : entre 25.000 et 80.000 €). Toutefois, l’ONG pointe le manque de transparence des opérations et l’absence répétée de toute compensation monétaire.

Évidemment, l’Arabie Saoudite n’en est pas à son coup d’essai. En avril 2020, Abdul Rahim al-Huwaiti est fusillé chez lui. En cause, une vidéo publiée sur les réseaux sociaux, où il s’oppose ouvertement au déplacement forcé des populations. Shadli al-Huwaitat, l’un des trois condamnés, est d’ailleurs son frère. De son côté, Ibrahim al-Huwaiti faisait partie d’une délégation officielle de résidents de la province de Tabuk. Une délégation qui devait négocier l’obtention des terrains pour le projet Neom. Et Ataullah al-Huwaiti ? L’homme est accusé d’avoir publié des témoignages vidéos sur « la misère à laquelle sa famille et tous les autres résidents déplacés étaient confrontés ».

Étant donné l’envergure du projet et le passif du royaume en matière de droits humains, il est peu probable que l’Arabie Saoudite ait une soudaine illumination. Le paradis The Line verra le jour, il sera simplement bâti sur des fondations sanglantes.

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