José Zurstrassen: “Il y a en Belgique de l’argent pour les startups”

Ces dernières semaines, on parle beaucoup, sur Geeko et dans de nombreux cénacles, du succès de quelques startups belges aux USA (lire les aventures de Storify, TwitsPark, CheckThis, ou un résumé). Une des constatations que l’on peut faire assez aisément, c’est que ces sociétés réussissent aux Etats-Unis, un peu comme si c’était inéluctable. D’ailleurs nombreux sont les jeunes entrepreneurs qui le pensent. Il suffit de laisser traîner une oreille dans des événements comme le Betagroup, le Salon Entreprendre 2012 – qui vient de se dérouler cette semaine – ou encore de lire Xavier Damman, CEO de Storify, qui disait il y a quelques jours sur ce blog que “Il est beaucoup plus difficile de progresser en Belgique”.

PHOTO : Bruno DALIMONTECette affirmation est battue en brèche par un des pionniers de la startup en Belgique, à savoir José Zurstrassen. Que nous sommes allés rencontrer dans les bureaux de Mondial Telecom, dont il est l’actuel CEO. Vêtu d’une chemise blanche à rayures bleues et d’un vieux jeans, José Zurstrassen arbore un grand sourire lors qu’il vient à nous. L’homme est accessible mais fort demandé. C’est d’ailleurs bien connu dans le milieu de l’entrepreneuriat. Des jeunes pousses, il en voit passer un paquet.

Ce quadra est maintenant depuis près de 20 ans dans le milieu de la startup. Ses plus hauts fait d’armes ayant été d’avoir créé Skynet en 1994 avec son frère et un ami ou d’avoir lancé Keytrade Bank. Sa réputation de business angel belge n’est, elle, plus à faire. Il possède d’ailleurs des participations dans 24 startups. “Mais je suis un vieux maintenant”, précise-t-il en souriant. Logique donc qu’on vienne le solliciter lorsqu’on a un projet de startup.

Dernièrement, on a encore parlé de lui car il est l’un des investisseurs dans TwitsPark, mais surtout car il est l’un des membres du jury de l’émission Starter qui a fait ses premiers pas sur la RTBF jeudi soir. Avec une certaine réussite dans le chef de la télévision publique, soit-il dit en passant.

Vous dites donc qu’il y a de l’argent pour les startups belges ?

Evidemment ! Laissez moi rire. Si n’y en a pas ici, il n’y en a quasi nulle part 😉 Mais avant de parler d’argent, il faut d’abord dire que le terreau belge est bon : les universitaires sont nombreux, la technologie est abondante et accessible… Il y a énormément de talents dans ce petit pays. Pour mettre ceux-ci en valeur, il existe de nombreuses institutions, beaucoup de subsides et aussi des gens, comme moi, qui sont prêts à mettre de l’argent, un carnet d’adresses et des conseils sur la table. Un cocktail parfait pour les jeunes entrepreneurs.

Nombreux sont les entrepreneurs qui pourtant ne trouvent pas les capitaux dont ils ont besoin pour faire décoller leur société. Pourquoi ?

Pour plusieurs raisons. Tout d’abord, il y a encore beaucoup trop de gens, en Belgique, qui ont peur de l’échec. Quand on a peur, pas toujours facile trouver du financement. A ceux-là, je voudrais leur dire qu’être entrepreneur, c’est comme être joueur de foot. On est entraîné, on est prêt, on a son plan financier, sa stratégie… mais on peut perdre. Mais il ne faut absolument pas que cela vous effraie. L’entrepreneuriat – comme la vie, d’ailleurs – ne se joue pas en un match. Mais match après match. En montant sur le terrain avec l’envie de gagner chaque fois. Cependant, il est vrai qu’il est relativement compliqué pour un jeune entrepreneur d’aller chercher des capitaux. On ne sait pas à quelle porte sonner. Mais pour ceux qui ont de bonnes idées et qui cherchent, ils trouveront. Mais tu n’es pas vraiment bon tant que tu n’as pas fait ce genre de démarches plusieurs fois.

Mais Storify, CheckThis, TwitsPark vont chercher des capitaux à l’étranger. Aux USA.

Ce n’était pas obligatoire. Le premier financement de Xavier Damman aux Etats-Unis était de 50 000 dollars. J’aurais pu le lui donner, sans problème. Pour ce qui est de TwitsPark, il ne faut pas oublier que Davy Kestens a quand même trouvé pas mal de financement en Belgique. Il a d’ailleurs été très intelligent en choisissant Sébastien de Halleux comme parrain (ndlr : cofondateur de Playfish revendue en 2009 pour 400 millions de dollars à Electronic Arts). Bien qu’il soit maintenant installé à San Francisco, il a encore énormément de contacts en Belgique.

Si la voie américaine n’est pas, selon vos dires, la seule à suivre, quels conseils donneriez-vous à de jeunes Belges qui voudraient lancer une startup ?

Tout d’abord, qu’ils viennent me voir ! Si j’ai le sourire en disant cela, je suis sérieux. Je pourrais les aiguiller vers les bonnes personnes, celles qui savent quelles portes il faut ouvrir, comment se préparer pour aller chercher de l’argent… Et je suis loin, très loin, d’être le seul à être dans cette optique-là. Il y a en Belgique un nombre important de personnes qui prendront du temps pour quelqu’un qui a une bonne idée. Un autre conseil que je peux leur donner : allez dans un espace de coworking. Quand je vois tout l’apport que peut avoir sur l’entrepreneuriat belge un endroit comme le Betagroup Coworking Bruxelles, il serait vraiment bête pour eux ne de pas intégrer ce type de lieu.

Ne faudra-t-il pas aussi que ces nombreuses personnes soient plus facilement identifiables ? Pas certain que tous les entrepreneurs de 20 ans sachent qui est José Zurstrassen.

En effet, il y a des efforts à faire à ce niveau-là. Toutes ces personnes appartiennent à un autre univers de communication que tous ces jeunes loups qui arrivent sur le marché. A ce niveau-là, ils bossent encore à l’ancienne. Pour le moment, ils n’arrivent pas à se trouver. En tout cas, pas assez facilement.

Diriez-vous que c’est plus facile de lancer une startup maintenant que lorsque vous avez créé Skynet en 1994 ?

Clairement. A l’époque, j’ai dû emprunter 500.000 francs en mon nom propre. 12.500 euros actuels. J’étais informaticien, donc je n’étais pas très inquiet pour le remboursement. Néanmoins, j’aurais aimé être épaulé et conseillé par quelqu’un d’expérience. J’ai pour le moment des participations dans 24 sociétés dans lesquelles je crois dur comme fer. Fort de mon expérience, je m’y investis que ce soit au niveau du conseil que des contacts. Parce que je sais que c’est difficile.

Une dernière chose, vous êtes l’un des membres du jury de Starter, l’émission de coaching lancée ce jeudi 29 mars par la RTBF. Pouvez-vous nous en dire quelques mots ?

Pour une première version, c’est vraiment une réussite. Adopter ce genre d’émission purement américaine et la mettre à la sauce belge n’est pas une chose aisée. Il faut saluer le travail de Bruno Wattenbergh, directeur de l’Agence bruxelloise pour l’entreprise, qui est à la base de cette idée. D’ailleurs, pour ce qui est des conseils aux entrepreneurs, je crois que tout jeune startuper a intérêt à aller voir Bruno pour lui parler de son projet. Pour en revenir à Starter, c’est une excellente expérience et je trouve que les les 6 personnes qui ont fait l’émission risquent d’aller loin. Je ne sais pas si ce sera avec les projets qu’ils défendent sur la RTBF, mais il y a vraiment du bon dans ce groupe.

Crédit photos : Bruno D’Alimonte.

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