Neuf longues années. C’est le temps que les fans de “Saints Row” auront dû attendre avant d’avoir enfin droit au cinquième épisode de la franchise – qui est en réalité un reboot intégral. Les fans de GTA vous le diront. Durant très longtemps, une seule série a tenu tête au bébé de RockStar. Le studio Volition, auteur des Red Faction, est parvenu à faire de Saints Row l’une des séries les plus en vogue au milieu des années 2000, avec une première trilogie qui remportera un très joli succès, avant d’enchainer plusieurs fiascos. L’annulation de l’épisode portable, sur PSP, en 2009, qui sera suivie par Saints Row 4 et “Gat Out of Hell”, un spin-off déjanté qui plongeait le joueur en enfer. La personnalisation de l’avatar est poussée. Par chance, Volition a survécu à l’effondrement de THQ, et est passé entre les mains de Deep Silver. Le studio nous a livré en 2017 le très décevant Agents of Mayhem, qui se voulait un curieux mélange de Crackdown et de Saints Row, et qui n’est pas vraiment parvenu à convaincre les joueurs. Cinq ans plus tard, Volition revient à la charge avec cette fois un reboot complet de sa série la plus culte. Ce reboot avait déjà fait couler beaucoup d’encre lors de sa présentation. Son ton très teenager, son nouveau casting très inclusif et son univers très cartoonesque n’était pour de nombreux fans pas vraiment “dans la continuité des précédents volets”. Et de facto, on ne leur donnera pas totalement tort. Difficile de tomber sous le charme de cet épisode si vous aviez joué aux précédents volets de la franchise, tant le changement de ton est radical. Les gunfights manquent cruellement de pêche. Ce qui faisait le charme des Saints Row, c’était son casting déjanté, son univers gangsta, sa violence et son côté complètement délirant. Avec ce nouvel épisode, Volition est reparti d’une feuille blanche. Le casting des quatre premiers volets a été remplacé par une brochette d’ados sans aucun charme, qui passent leur temps à nous raconter leur quotidien entre deux missions et à prendre des selfies. Les gangs sérieux des précédents volets cèdent leurs places à des gangs absolument ridicules. C’est bien simple, la plupart des personnages semblent être sortis d’un clip de TekTonik des années 90. La violence passe aussi au second plan, avec beaucoup plus de “politiquement correct” et moins de séquences trash. Reste, heureusement, un ton humoristique, qui sauve (de très peu) le navire du naufrage. Le jeu n’est visuellement pas très impressionnant mais certaines séquences sont réussies. La recette, elle, reste globalement la même. On se retrouve ici dans un large open-world qui n’a plus rien à voir avec ceux des quatre premiers volets puisque l’inspiration vient ici de Las Vegas et du Nouveau Mexique. La carte est gigantesque, mais le level-design manque d’ambition et, surtout, visuellement, les décors manquent et de charme et de personnalité. La plupart des environnements sont également désespérément vides… Le joueur est libre de faire ce que bon lui semble : explorer l’environnement, participer à des quêtes secondaires, améliorer son fief, développer ses activités en ville, rechercher des collectibles ou avancer dans la trame principale. Celle-ci n’est pas forcément très longue. Comptez une douzaine d’heures, en ligne droite. Les missions sont également de qualité très variables. La séquence d’infiltration dans la prison se réduit par exemple à un bête walking simulator sans aucune ambition. D’autres séquences de courses poursuites et d’attaques de base sont heureusement plus marquantes. Saints Row parvient toutefois à marquer les esprits avec ses séquences les plus originales : une descente en wingsuit, une course poursuite dans le désert, sur le toit d’une jeep ou un simili-battle-royale sur une île abandonnée. C’est fun, délirant, ça surprend et ça fait plaisir. Malheureusement, il faut se coltiner également un paquet de quêtes principales sans aucun intérêt ou très mal fichues, à l’image de cette séquence de jeu où on doit détruire le camp d’un gang ennemi en brinquebalant une cabine de toilette. La conduite est très imprécise dans Saints Row. Certains véhicules, à l’image des motos, sont même pratiquement impossibles à diriger. Là où le jeu de Volition brille, c’est au niveau de son contenu, qui est vraiment très généreux. Il y a non seulement de nombreux collectibles à récupérer mais également un nombre impressionnant d’activités annexes à réaliser, des missions secondaires à la personnalisation de son personnage, en passant par la construction de sa base ou le développement de son “empire”. C’est rudement bien fichu, au point qu’on en vient à se demander pourquoi les développeurs n’ont pas tout misé là-dessus. Car dans la pratique, difficile d’être impressionné par le mode solo, qui paraît très fade par rapport aux précédents volets, avec ses personnages sans personnalité ni charisme, ses dialogues longs et plats, ses séquences de jeu ratées et son scénario au raz des pâquerettes. On en viendrait d’ailleurs presque à se demander pourquoi Volition a mis tant d’efforts dans la mise en scène des cinématiques, qui desservent un scénario sans ambition. Certaines missions sortent du lot. Mais ce qui fâche le plus dans ce reboot de Saints Row, c’est sa réalisation globale. C’est bien simple, on a l’impression de jouer à un titre d’il y a dix ans qui aurait été remasterisé. Quelques effets visuels nous en mettent plein les yeux. Globalement, le jeu est toutefois atrocement laid. Les décors sont vides, les modélisations des personnages pauvres, le framerate très faible (n’espérez pas du 60 FPS en 4K!), et le clipping est présent absolument partout à l’écran, même sur les machines de nouvelle génération. Le jeu est non seulement pauvre visuellement, mais également fini à la truelle. On a décompté plus d’une demi-douzaine de crashs en une quinzaine d’heures de jeu, des centaines de bugs d’affichage ou visuels, et quelques ralentissements occasionnels. L’état du titre à sa sortie était tout simplement abominable. La bonne nouvelle, c’est que tout cela pourrait s’améliorer avec l’arrivée de futurs patchs, mais encore faut-il que les développeurs prennent la peine de corriger les défauts du titre. Les séquences en wingsuit font partie des plus funs. On le sent, ce Saints Row a été sorti à la hâte et n’a clairement pas bénéficié du budget auquel il aurait dû prétendre. Cela se ressent jusque dans la bande son du jeu. Saints Row n’a pas droit à une traduction française intégrale. Il faudra se contenter de doublages en anglais avec sous-titres en français. La bande son déçoit aussi avec un nombre très restreint de tubes et quelques morceaux de remplissage. On est très loin des playlists de folie des Grand Theft Auto. Et puis, bien sûr, il y a la question du gameplay, qui n’a pratiquement pas évolué en dix ans. Pas de système de couverture pendant les gunfights, on avance en tirant. L’IA des ennemis étant au raz des pâquerettes, ce n’est pas comme si c’était nécessaire en soi… Ceux-ci sont bêtes comme des moutons et ressemblent finalement plus à des sacs à PV qu’à de véritables menaces… On notera d’ailleurs un manque flagrant de diversité dans ce “bestiaire”. Même topo malheureusement pour la conduite de véhicule, qui manque de fun et de précision. L’hélicoptère reste sans doute le moyen de transport le plus agréable à conduire. Les véhicules manquent de punch, les motos sont une véritable plaie à conduire, et quel que soit le transport, on a surtout la sensation que la physique du jeu est si cassée qu’il faudra souvent s’en remettre au bon vouloir du level-design. L’hélicoptère est sans doute le moyen de transport le plus agréable à conduire du jeu. Malgré tous ses défauts, Saints Row reste toutefois un jeu relativement plaisant à parcourir. Le jeu dispose d’un contenu gargantuesque et brille dans ses activités secondaires totalement décalées. Clairement il se destine avant tout aux amateurs de GTA-likes qui attendent impatiemment le prochain volet de la série de Rockstar. A 69€ l’addition reste toutefois salée pour un titre mal-fignolé et qui n’est surtout plus que l’ombre de lui-même. Espérons que cet avertissement remettre sur le droit chemin le studio… Conclusion 9 ans après Saints Row IV, Volition se décide enfin à faire revenir sa franchise d’entre les morts. Pas de cinquième épisode à l’horizon mais un reboot intégrale de la franchise, qui rime avec nouveau casting et un changement radical de ton, qui ne plaira sans doute pas aux fans. Résolument plus “politiquement correct”, plus “teenager” aussi, Saints Row semble avoir perdu tout ce qui faisait le charme de ses ancêtres. Les violents gangsters des précédents volets ont été remplacés par des danseurs de TekTonik qui se prennent en selfies. S’il propose un contenu gargantuesque, ce reboot de Saints Row peine à séduire avec son scénario plat, son casting sans charme, son gameplay archaïque et sa réalisation bancale. Le tout manque non seulement d’ambition mais aussi de finition. Des centaines de bugs vous attendent, en plus de crashs en série… Vous l’aurez compris, le constat est décevant. C’est d’autant plus dommage que la carte gigantesque de ce nouvel épisode promettait des heures de fun. Reste, heureusement, de nombreux à-côtés toujours aussi funs, et quelques moments bien délirants pour nous décrocher un sourire. On a toutefois frôlé de très peu le naufrage.