5 ans après un troisième épisode décevant en bien des points, la franchise de point’n’click Syberia fait son grand retour. Un épisode très réussi en bien des points. Il fut un temps où les moins de 20 ans jouaient sur leur ordinateur à des aventures en point’n’click, où les seules mécaniques de jeu consistaient à déplacer le curseur de la souris et à cliquer sur des éléments du décor. Dans les années 1980 et 1990, le genre était ultra populaire, avec notamment des licences aujourd’hui cultes, comme Dragon’s Lair ou encore Indiana Jones. Au début des années 2000, le genre s’est quelque peu essoufflé, avec quelques productions moins populaires, comme la série des Runaway. Si aujourd’hui, les titres en point’n’click sont tombés dans l’oubli et ne font plus partie des best-sellers, certains éditeurs continuent de faire vivre le genre. C’est notamment le cas de l’éditeur français Microids, qui tente, tant bien que mal, de continuer à vendre la série Syberia, entamée il y a très exactement 20 ans sur PC, grâce au dessinateur et scénariste belge Benoît Sokal. Depuis, deux autres épisodes sont sortis, à la qualité décroissante et aux ventes de plus en plus décevantes. Qu’à cela ne tienne, Microids est bien décidé à faire renaître de ses cendres sa franchise avec World Before, le quatrième épisode. On y retrouve le style si caractéristique de l’univers de Benoît Sokal, malheureusement décédé en plein développement du jeu, en 2021. Kate Walker fait son grand retour et son aventure débute dans une prison d’un pays de l’ouest semblable à la Russie. Suite à la découverte d’un train recelant de nombreux trésors, Kate tombe nez à nez avec une peinture datant des années 1930, en pleine montée du fascisme, et représentant une jeune Dana, qui s’avère être son portrait craché. Kate va alors s’enfuir de sa prison et partir sur les traces de celle qui, 70 ans plus tôt, semble être son ancêtre. Syberia nous embarque dans deux aventures liées et passionnantes. Une première aventure que nous découvrons donc, et qui se vit parallèlement à celle de Dana Roze, la jeune fille du tableau, qui vit en pleine Europe centrale alors que le fascisme et les nazis gagnent du terrain dans la sphère politique. Elle et sa famille sont harcelés par les fascistes dans la ville fictive de Vaghen. Si Dana s’inquiète de cette montée en puissance de la haine et du racisme, elle ne rêve que d’une chose : vivre de sa passion, à savoir le piano. Elle suit des cours et ambitionne de partir vivre à Paris, mais le climat incertain de sa région la poussent à remettre en question nombre de ses choix. Les deux histoires se rejoignent constamment au sein de l’aventure et permettent l’une et l’autre d’en apprendre plus sur la trame scénaristique et les filons de l’histoire. Très bien conté, le scénario nous transporte aisément dans cette Europe centrale du début du 20e siècle, puis dans d’autres régions tout autant réussies. Nous alternerons régulièrement entre les deux scénarios, et il nous est également arrivé d’avoir à switcher manuellement pour résoudre telle ou telle enquête, Dana et Kate étant passés par plusieurs mêmes endroits à quelques 70 années d’écart. Les très nombreux puzzles sont inspirés et plaisants à résoudre, quoique bien souvent faciles au final. L’essence-même de la franchise Syberia passe par le point’n’click et ses puzzles. L’aventure nous amène ainsi à devoir résoudre une multitude casse-tête et d’énigmes, qu’il s’agisse d’éléments à retrouver grâce à des indices, de casse-tête à la Room sur smartphones ou encore de choix de dialogues, toute l’intrigue de Syberia repose sur ces puzzles. Et force est de constater qu’ils sont très nombreux, mais également très amusants à résoudre. Bien que peu compliqués, ils vous prendront quelques minutes à vous taper la tête avant de finalement trouver la solution, souvent très logique. D’autres puzzles sont tellement faciles qui se résolvent en seulement quelques secondes, et nous aurions aimé davantage de défis sur ce point. Et si vous perdez patience dès qu’un puzzle vous demande un peu de jugeote, sachez que le titre vous permet à tout moment de bénéficier d’un indice dans sa résolution. Pour déplacer nos deux héroïnes, Syberia nous propose deux façons de faire : à la souris ou à la manette. Concrètement, un effort a été consenti de la part des équipes de développement par rapport aux précédents épisodes jugés très patauds. Malgré tout, ce World Before reste une plaie à prendre en main. Les personnages sont très lents et lourds à déplacer, la précision n’est absolument pas au rendez-vous lorsqu’il faut sélectionner un objet (le jeu ne percevant pas toujours la différence entre interaction et déplacement) et la gestion des différentes touches n’est vraiment pas idéale. Il est par exemple impossible de quitter en menu en appuyant sur Escape, cela nous renvoyant inévitablement vers le menu Pause. Enfin, certains dialogues trainant en longueur, on aurait pouvoir les passer ou les accélérer. Les déplacements ne sont vraiment pas optimaux et précis, que ce soit à la manette ou à la souris. Visuellement parlant, Syberia: The World Before s’en sort haut la main avec les honneurs. La gestion de l’éclairage est tout simplement impeccable et les différents panoramas, que ce soit dans de petites ruelles ou des paysages plus montagnards et naturels, sont très réussis. Poussez les réglages de votre ordinateur au maximum et vous pourrez alors bénéficier d’un titre vraiment superbe en 4K. En revanche, poussés au maximum, les paramètres mettent très vite la machine à bout, à tel point que nous avons fréquemment été victime de ralentissements. Rien de vraiment grave en soi, il suffit simplement de baisser d’un iota les paramètres, le jeu reste très joli et il en devient bien plus stable. S’il y a un autre point sur lequel nous pourrions émettre des reproches, c’est du côté de l’animation. Manette (ou souris) en main, les personnages paraissent ainsi très lourds et ils ne sont pas aidés par une animation vieillotte et pas ultra dynamique. Non seulement les corps paraissent rigides, mais c’est également le cas des visages, dont l’animation laisse à désirer tant les personnes paraissent impassibles. Un personnage en train d’agoniser aura étrangement le même regard qu’un autre fou de joie. Expliqué comme ça, cela peut prêter à sourire, mais en jeu, c’est très perturbant. Visuellement, le titre nous propose une gestion de l’éclairage tout simplement impeccable. Enfin, Syberia, c’est tout un univers créé de toutes pièces par Benoît Sokal en 2002. Dans les jeux vidéo depuis 1999, ce scénariste et dessinateur de bandes dessinées belge est devenu l’un des créateurs les plus prolifiques du début des années 2000, et notamment grâce à la franchise Syberia. La ville fictive de Vaghen mêlant steampunk et ambiance 30s, des personnages hauts en couleurs et loufoques, le tout forme une direction artistique dont on ne se lasse pas et qui fait immédiatement mouche. Les personnages sont tous très attachants, quoique légèrement stéréotypés et la construction de l’univers paraît si réaliste et magique à la fois. La bande son vient évidemment aider à embellir la DA. Les mélodies d’Inon Zur et Emily Bear sont tout simplement incroyables et envoûtantes, tandis que la VO est irréprochable. Reprochons en revanche à la VF de n’être qu’une succession de voix caricaturales, les personnages gentils prenant un ton très paternel et rassurant, tandis que les antagonistes sont plus nonchalants, arrogants et exécrables. Conclusion 5 ans après le dernier épisode, la série de point & click narratifs Syberia s’offre une véritable cure de jouvence. Visuellement d’abord, le titre se pare d’un moteur de jeu flambant neuf et dont les capacités sont franchement impressionnantes. Malgré quelques animations, faciales et corporelles principalement, très rigides et datées, les visuels du jeu sont très soignés. Côté gameplay, ce nouveau Syberia se distingue aussi de ses ancêtres avec l’utilisation de deux époques différentes. Dana et Kate se complètent parfaitement et résolvent des puzzles plutôt bien ficelés et explorant cette double temporalité. On regrettera que les contrôles et la maniabilité des personnages soient assez lourds et que la précision ne soit pas toujours au rendez-vous lorsque l’on sélectionne un objet. L’univers imaginé par Benoît Sokal fonctionne divinement bien et n’est que magnifié par une bande son très inspirée. Seul petit bémol concernant la VF, très caricaturale et imprécise. Enfin, précisons que, sur PC, le titre n’est pas vraiment stable et que les ralentissements se font nombreux. Néanmoins, il s’agit là d’un tout petit détail qui ne gâche pas notre plaisir à retrouver cette franchise ô combien appréciée des gamers. A n’en pas douter, si vous faites partie des rares joueurs à encore apprécier les point & click, ce nouveau Syberia est un titre à ne pas rater.