Trois mois après la sortie du film-interactif The Complex, Wales Interactive nous livre déjà sa nouvelle création, un survival-horror inspiré d’une histoire vraie sur fond de mystère et d’événements mystérieux. Le studio gallois fait-il mieux avec ce titre qu’avec son dernier jeu vidéo ? Pas forcément… Quoi de mieux pour poser les bases d’un jeu d’horreur qu’une bâtisse considérée comme l’un des endroits les plus hantés de Grande-Bretagne ? Nul doute que cela peut aider à créer une ambiance et c’est exactement ce qu’a fait le studio gallois Wales Interactive, spécialisé dans les jeux narratifs. Les développeurs se sont même inspirés de l’histoire vraie d’Elizabeth Williams, conté dans le roman éponyme Maid of Sker de Richard Doddridge Blackmore sorti en 1872, pour développer le scénario de leur création. Maid of Sker nous transporte donc au Pays de Galles, en 1898 et nous fait incarner Thomas Evans. Ce jeune musicien se rend à l’hôtel Sker pour retrouver sa bien-aimée, Elizabeth Williams, séquestrée par son père après qu’il ait appris qu’elle voulait tout quitter pour s’enfuir avec son fiancé. Une quête qui va le confronter à des événements surnaturels et particulièrement effrayants qui le mettront en danger. Retrouver la bien-aimée de Thomas Evans sert de prétexte pour explorer les mystères qui entourent l’hôtel de Sker et enquêter sur les événements surnaturels qui s’y passent. Wales Interactive joue la carte du folklore gallois pour le scénario de son jeu. Une bonne idée qui devrait plaire aux joueurs amateurs d’histoire vraie et qui apporte un certain cachet au scénario, mais le fait est que la réalité est rapidement laissée de côté dans Maid of Sker, au profit d’événements surnaturels. On aurait d’ailleurs apprécié une introduction plus conséquente plutôt que d’enchaîner aussi rapidement sur les événements mystérieux et surnaturels qui entourent l’hôtel de Sker. La mission principale – retrouver la bien-aimée de notre héros – passe en réalité au second plan. Elle ne sert que de prétexte à notre enquête sur les événements surnaturels qui se manifestent à l’hôtel. Au fur et à mesure de notre progression, on apprend ainsi le véritable objectif de l’établissement perdu au milieu des terres du Pays de Galles. Exit le tourisme, place à la cupidité. Le scénario découpé en puzzle forcera le joueur à explorer la carte pour découvrir la vérité. Et si cette construction permet de renforcer le côté mystérieux de l’histoire, on ne peut s’empêcher d’avoir l’impression que celle-ci manque de profondeur. Le jeu nous livre des bribes d’information basiques qui ne laissent pas de place au doute, il nous prend par la main sans pour autant nous prendre aux tripes. On aurait préféré découvrir un scénario plus travaillé, d’autant plus que Maid of Sker joue la carte du mystère et du surnaturel. Le cadre reste malgré tout intéressant pour développer l’univers du jeu, mais reste tout de même assez basique… Le jeu mise énormément sur le sound design puisque les ennemis – aveugles – utiliseront leur ouïe pour repérer les intrus. Pour tenter de retrouver sa fiancée, Thomas Evans devra donc parcourir l’hôtel de Sker, mais également les jardins et autres terres abandonnées à proximité sans se faire repérer par les Quiet Men, des individus au visage recouvert d’un tissu qui arpentent inlassablement les terres de Sker. Aveugles, ces « monstres » seront une véritable menace pour notre héros puisqu’ils se baseront sur leur ouïe pour dénicher les intrus. Dans Maid of Sker, le son est donc au cœur de l’aventure. S’ils vous entendent, les Quiet Men se précipiteront sur vous pour vous tabasser sans plus de politesse. C’est pourquoi votre personnage devra retenir sa respiration et s’accroupir pour passer inaperçu. Ce sera d’ailleurs vos seuls saluts durant les premières heures de jeu. Au bout d’un certain temps, vous pourrez compter sur un appareil sonore qui neutralise les Silencieux pendant quelques secondes. Concrètement, l’aventure Maid of Sker se résumera à arpenter les couloirs de l’hôtel de Sker et ses alentours et à déchiffrer des énigmes – sans grande difficulté – pour progresser tout en éviter de se faire repérer par les Quiet Men. Un survival-horror plutôt basique – qui lorgne même du côté du walking simulator – dont toute l’originalité repose sur le sound Design. Malheureusement, le concept est loin d’être parfaitement exploité ici. Le jeu manque en effet de subtilité. Lorsqu’on est debout, nos moindres faits et gestes sont particulièrement bruyants, mais quand on est accroupi, nous sommes parfaitement silencieux, et ce, même si on avance à la même vitesse ou que l’on marche sur n’importe quel objet qui devrait normalement faire du bruit. On a l’impression que quoi qu’on fasse, notre héros fera du bruit à un moment précis du jeu pour déclencher une séquence ou pour attirer les ennemis. S’ils captent un bruit, ils ne vous courseront pas forcément, mais cela vous obligera à aller dans une certaine direction, comme si cela était fait exprès. Le joueur pourra retenir sa respiration pour éviter d’être repéré par les Silencieux. La tension du jeu repose principalement sur les Quiet Men qui apparaissent ici et là sans prévenir. Enfin, pas tout à fait. S’ils sont attirés par le bruit, les Silencieux ne se privent pas pour en faire. On les entend marcher à des kilomètres comme pour nous avertir de leur présence. C’est fort gentil à eux. Et si par miracle nous n’entendions pas leurs pas lourds, la musique se charge de nous avertir. Elle change en effet dès qu’un ennemi est à proximité et revient « à la normale » quand il s’éloigne. Il arrive tout de même qu’aucun indice sonore ne nous prévienne de la présence d’un Silencieux à proximité ce qui – enfin – peut nous surprendre et apporter un peu d’angoisse dans le jeu. Parce que oui, si le jeu était annoncé comme une expérience particulièrement effrayante, dans les faits ce n’est pas tout à fait le cas. Le rendu est un plutôt grossier tant sur sa forme que sur son fond et semble daté. L’intelligence artificielle des ennemis est basique. Ils refont sans cesse le même parcours de sorte qu’il nous suffit d’attendre patiemment qu’ils soient arrivés à un certain endroit pour avancer. Ajouter à cela qu’on peut retenir notre respiration et on pourrait presque se balader tranquillement à côté des Silencieux. Mais c’était sans compter sur le vacarme que fait notre héros lorsqu’il reprend sa respiration. On a en effet été étonné de voir tout le bruit qu’il faisait lorsqu’il respirait de nouveau. On notera d’ailleurs qu’il n’est pas possible de retenir sa respiration après l’avoir retenu même quelques secondes par erreur ce qui est très pénalisant. Et comme si les Silencieux ne suffisaient pas, notre héros se mettra à tousser au moindre feu ou tout autre nuage plus ou moins intoxicant. Et les feux sont plutôt nombreux dans Maid of Sker. À croire que les autochtones ne sont pas au courant des risques de faire un feu en pleine forêt. Notre héros se met à tousser même lorsqu’il n’entre pas vraiment dans le nuage de fumée. On a vraiment l’impression que certains obstacles sont juste là pour que notre héros se fasse repérer par les ennemis. Une manière d’ajouter une once de difficulté ou de créer un sentiment d’angoisse chez le joueur. Et c’est forcément décevant. Si le joueur se fait repérer ou tabasser, ce ne sera pas forcément parce qu’il a mal joué, mais plutôt parce qu’il n’aura pas pris en compte les pièges invisibles. D’ailleurs, l’ouïe des Silencieux est particulièrement capricieuse. À certains moments, ils semblent dotés de capacité auditive surhumaine, et à d’autres, on se demanderait presque s’ils ne sont pas sourds. Le jeu souffre d’un déséquilibre étonnant en mode normal. La vraie difficulté ne repose pas vraiment sur le son, mais plutôt sur le nombre de Silencieux à proximité. Les décors tiennent un rôle important dans l’ambiance du jeu. Un déséquilibre que l’on retrouve étonnamment au niveau du sound design et de l’ambiance musicale. Nous l’avons dit, l’aventure repose énormément sur le son, mais il semblerait que les développeurs se soient emmêlé les pinceaux. Au niveau de l’ambiance sonore, le jeu varie entre les chants harmonieux de la fiancée ou de sa mère – que l’on entend surtout lors des sauvegardes – et des musiques d’ambiances sombres et lugubres. À certains moments, elles sont plutôt angoissantes, synonymes de la présence d’ennemis à proximité, comme nous l’avons dit. Or, ces dernières ne permettent pas toujours d’entendre les bruits de pas des Silencieux ni les nôtres puisqu’elles sont particulièrement fortes. En revanche, elles remplissent bien leur rôle et renforcent le sentiment d’angoisse que le joueur pourrait ressentir – ce n’est pas sûr –, mais le tout manque cruellement de subtilité… On retrouve également le déséquilibre au niveau des personnages puisque seule Elizabeth Williams se fait entendre lors des conversations téléphoniques avec son bien-aimé ou lors des enregistrements de sauvegarde. À aucun moment notre héros ne parle, même lorsqu’il s’adresse à Elizabeth. Cela nuit gravement à la tension puisqu’on n’entend ni ne perçoit les émotions de notre personnage. Celui-ci ne s’exprime que par le biais de réponses à choix multiples à donner à sa fiancée. Réponses qui n’ont d’ailleurs aucun impact sur la conversation… Pour finir avec le son, les bruitages sont tout aussi grossiers et on se demande pourquoi la musique d’ambiance se coupe lorsqu’on lit une carte ou une lettre dénichée durant notre périple. Là aussi, ça casse l’ambiance. La vraie – et seule ? – force de Maid of Sker reste sa direction artistique. Le jeu profite en effet d’un univers très intéressant et très détaillé, plutôt gothique. Les décors sont particulièrement riches, on en vient même à se perdre entre les objets de décorations et ceux de quêtes tant ils sont nombreux. Très sombre, l’environnement du jeu nourrit l’ambiance sombre et lugubre de l’histoire. D’ailleurs, l’utilisation de couleurs (rouge et violet) à certains moment contraste particulièrement fort avec le jeu dans son ensemble, plutôt lugubre. Techniquement, c’est également plutôt joli sans être superbe. Des textures grossières et modélisations hasardeuses nous ramènent régulièrement à une triste réalité. Conclusion Inspiré de faits réels et du folklore gallois, Maid of Sker se présentait comme un survival-horror dans lequel le sound design tient une place importante. En réalité, le jeu du studio indépendant Wales Interactive lorgne davantage du côté du walking-simulator paresseux que du jeu purement horrifique. Le son, qui était censé être au coeur du gameplay, est sous exploité. Il y a un vrai déséquilibre quant à la perception des bruits par les Silencieux, des hommes mystérieux et aveugles, à l’affut des moindres bruits dans les niveaux. La progression basée sur la survie et la résolution d’énigmes est loin de provoquer l’angoisse annoncée. Le scénario ne sert que de leitmotiv à l’exploration. La promesse n’est donc pas tenue, d’autant plus que techniquement le jeu est inégal et assez mal fini. Si l’ambiance est soignée et le jeu dispose d’une jolie direction artistique, Maid of Sker peinera à passionner les joueurs. A 30€, cela reste très léger pour vraiment convaincre. Dommage, car le folklore gallois avait son charme…