Test – Sekiro Shadows Die Twice : voyage dans le Japon féodal

Attendue au tournant, la nouvelle production de FromSoftware débarque sur PC, Xbox One et PS4, cette fois sous la bannière d’Activision. Un pari audacieux de la part du géant américain, qui tente aujourd’hui de regagner le cœur des hardcore-gamers.

L’annonce de Sekiro : Shadows Die Twice par Activision lors de l’E3 avait provoqué un déluge de critiques de la part des fans de FromSoftware. Le prestigieux studio de développement – auteur notamment des trois Dark Souls et de Demon’s Souls – aurait-il définitivement tourné le dos à ses fans pour cibler un plus large public avec l’aide d’un éditeur occidental? Répondons d’entrée de jeu à cette question : Non, Sekiro n’est pas plus facile qu’un Dark Souls, il aurait même tendance à être encore plus difficile…

Comment expliquer dès lors ce rapprochement entre FromSoftware et Activision? Quand on regarde les précédentes productions du studio, on remarque que la série des Tenchu était déjà éditée par l’époque par Activision. L’éditeur américain avait donc déjà collaboré avec FromSoftware. De son côté, le studio nippon avait fait part de sa volonté de se lancer dans un projet qui permettrait d’explorer le Japon féodal. Si Sekiro n’est pas une suite de Tenchu, il n’en reprend pas moins quelques éléments. Le shinobi que l’on incarnera dans l’aventure est en effet capable de se faufiler dans l’ombre pour assassiner ses ennemis, et de faire preuve d’une certaine furtivité. La comparaison s’arrêta là.

Dans le même ordre d’esprit, Sekiro n’est pas vraiment ce qu’on pourrait appeler une suite spirituelle de Dark Souls. Certes, les deux titres sont “difficiles”, voire carrément “hardcore”, mais là encore, la comparaison s’arrête là.

Inutile de le préciser donc : il n’est pas certain que vous craquerez pour Sekiro si vous aviez aimé les Dark Souls. Les Dark Souls conservent un gameplay beaucoup plus riche que Sekiro.

Les différences ne s’arrêtent pas là. Dans Sekiro, il ne sera pas question de créer son propre personnage. Le joueur est catapulté dans le jeu dans la peau de Sekiro – littéralement “Loup” -, un mystérieux shinobi plongé dans une véritable guerre de clans en plein Japon médiéval. Comme dans les Dark Souls, la narration n’est pas vraiment le fort de Sekiro, qui ne prend pas vraiment le temps de nous expliquer le contexte. Les dialogues sont souvent creux, les personnages n’ont aucun charisme et les quelques cinématiques sont finalement souvent juste un prétexte pour introduire de nouveaux adversaires. Dommage, d’autant plus que le cadre se prêtait particulièrement bien à une plus grande exploration narrative…

Autre différence majeure avec Dark Souls : le joueur n’a pas le choix ici entre différentes classes. Il incarne un shinobi, point. Oubliez donc la personnalisation des builds. C’est un fait, le gameplay de Sekiro est beaucoup moins riche que celui d’un Dark Souls. Dans la pratique, cela signifie surtout que très peu de joueurs seront tentés de se relancer dans un New Game + à l’issue de l’aventure.

Côté gameplay, Sekiro se distingue de son ancêtre par sa vivacité. Logique, puisqu’on incarne cette fois un shinobi, et non plus un guerrier lourdement armé. Sekiro est capable de se déplacer très vite et de se mouvoir dans toutes les directions à l’aide de son grappin. L’ennui, c’est que la caméra a souvent du mal à suivre, en particulier en intérieur, et que le lock n’est pas si bien adapté au système de jeu. Il faudra en effet le replacer régulièrement entre plusieurs séries de coups portés.

Les affrontements sont beaucoup plus nerveux que dans un Dark Souls. Ils ont aussi tendance à être moins techniques, l’intégralité du gameplay reposant sur le sens du timing. Concrètement, les ennemis disposent tous d’une barre de vie que vous pourrez réduire à grands renforts de coups, jusqu’à leur mort. Pour être efficace, il faudra toutefois apprendre à parer les coups aux bons moments pour enchainer les finishing moves. L’ennui, c’est que ce système nous pousse à prendre des risques et que ceux qui n’ont pas forcément le sens du rythme sont clairement désavantagés. De surcroît, la technique devient très vite beaucoup trop répétitive… Les combats sont nerveux, tendus, mais la difficulté est artificiellement augmentée par cette approche du studio.

Les séquences d’infiltration ne vendent pas non plus du rêve. Et pour cause puisque les adversaires sont d’une stupidité crasse, avec leur champ de vision de mulet. De façon générale, ils vous fonceront dessus en ligne droite dès qu’ils vous auront repéré. Pas de stratégie d’approche ni d’organisation du groupe donc. Paradoxalement, leur champ de vision a tendance à varier d’un cas à l’autre. Il ne sera pas rare de se retrouver pratiquement face à face d’un ennemi qui ne vous aura pas repéré et d’engager le combat, puis de se faire surprendre pas un autre adversaire qui vous aura repéré à travers… un mur. Des bugs qui viennent considérablement affecter l’immersion dans le jeu.

Pour autant, Sekiro n’en reste pas moins un titre terriblement efficace. Il ressort des affrontements une sensation de force brute que l’on ne voit que trop rarement dans le jeu vidéo. Dès le début de l’aventure, Sekiro est capable d’éliminer un adversaire d’un seul contre, sorti au bon moment. Les affrontements exigent une excellente dextérité, et si tout le monde n’accrochera pas au principe, la difficulté punitive et le côté très frustrant du jeu lui permettra de trouver son public. Les finishing moves, sanglants et gores, sont la marque de fabrique du jeu. Difficile pourtant de parler ici de véritable skill puisqu’il est souvent davantage question de sens du tempo. On notera au passage que la moindre erreur est ici fatale et forcera le joueur à recommencer une longue séquence de jeu. Il n’est d’ailleurs pas rare de devoir recommencer un passage 5, 10, 15 voire même 30 fois.

Comme dans les autres productions FromSoftware, les boss forment ici l’épine dorsale du jeu. Les mettre à mort représentera un véritable défi. Au même titre que les mid-boss, desquels vous pourrez fuir si le combat tourne au vinaigre.

Autre atout du jeu : son level-design inspiré, toute en verticalité, à travers des décors superbes inspirés du Japon féodal. Certes, on aura moins tendance à s’exclamer devant eux que dans un Bloodborne, mais le résultat n’en reste pas moins très convaincant. Le grappin représente d’ailleurs un ajout très surprenant dans le jeu, puisque celui-ci permettra au joueur d’explorer les niveaux rapidement et de s’extirper de certaines situations douloureuses… Autre particularité du jeu, bienvenue il faut l’avouer : il est possible de mettre le jeu en pause pour prendre une potion de soin. Les fans hardcore de Dark Souls crieront au scandale. Les autres seront sans doute très heureux de pouvoir se reposer l’esprit quelques instants entre deux affrontements.

Un étrange système de prothèses fait également son apparition. Notre personnage dispose d’un bras mécanique qu’il peut modifier selon ses désirs. Grâce à celui-ci, il pourra affaiblir davantage certains ennemis, en projetant des flammes sur eux en en envoyant des shurikens. L’idée est sympathique, même si dans la pratique le fonctionnement reste très basique. Concrètement, chaque type d’ennemi sera plus sensible à une forme d’attaque en particulier. Leur usage limité poussera toutefois le joueur à ne les exploiter que comme jokers en cours de partie.

Ce que l’on reprochera finalement le plus au jeu, en dehors de sa finition bâclée, c’est finition sa difficulté repoussante – liée à son gameplay pseudo-élitiste et surtout ses multiples problèmes de prise en main. Pour compenser tout cela, FromSoftware aurait clairement du proposer davantage de checkpoints. Devoir se “retaper” une dizaine d’ennemis avant de passer au boss est un véritable cauchemar. Dans le même ordre d’esprit, on regrettera aussi le farming intensif auquel il faudra se prêter pour faire progresser son personnage et débloquer de nouvelles techniques dans l’arbre de compétences. Il eut été de bon ton de laisser un peu plus de marge au skill…

Pour le reste, FromSoftware réalise presqu’un sans faute. La durée de vie du jeu est phénoménale – même si artificiellement rallongée par sa difficulté hardcore. Il faudra compter au bas mot 25 heures pour en voir le bout, et jusqu’à 80 heures pour les moins doués d’entre nous… Sekiro se dote d’une bande son magistrale elle aussi, avec une spatialisation du son impressionnante, des musiques d’ambiance remarquables et des doublages en japonais très satisfaisants.

Côté réalisation technique, la direction artistique du jeu est très inspirée. Les décors sont superbes et variés, les effets spéciaux impressionnants et le jeu se situe plutôt dans le haut du panier. On regrettera toutefois que les modélisations des personnages ne soient pas plus soignées et que certains environnements aient tendance à être un peu vides… De façon générale, Sekiro a une identité plus marquée que Dark Souls de par son contexte, mais moins séduisante sans doute qu’un Bloodborne. On aurait quoi qu’il en soit pu s’attendre à mieux de la part de FromSoftware.

Conclusion

Séduisant, avec son univers féodal, ses superbes panoramas et son gameplay exigeant, Sekiro : Shadow Die Twice n’en reste pas moins un titre éprouvant et terriblement frustrant. Dès les premières minutes de jeu, le ton est donné. Le nouveau jeu de FromSoftware s’adresse à un public très spécifique, ceux là-même qui ne rechignent pas à recommencer parfois 30 fois le même passage… Paradoxalement, la plupart des échecs sont liés à une gestion laborieuse de la caméra, un timing trop approximatif ou l’ubiquité des ennemis. S’il reprend l’esprit des Dark Souls, Sekiro n’en reste pas moins un jeu très différent : à la fois plus accessible de par sa prise en main plus fluide et plus frustrant de par son gameplay artificiellement technique qui se base presqu’intégralement sur un contre au timing parfait. Dans sa prise en main, Sekiro se rapproche davantage d’un Tenchu que d’un Dark Souls. Une chose est certaine : en l’état, Sekiro est loin d’être parfait. On sent très clairement que le titre aurait mérité quelques mois de plus de développement, ne serait-ce que pour corriger l’I.A. désastreuses des ennemis et nettoyer les trop nombreux bugs que l’on croisera tout au long de l’aventure.

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Sekiro : Shadows Die Twice

Gameplay 7.0/10
Contenu 7.5/10
Graphismes 7.5/10
Bande son 9.0/10
Finition 6.5/10
7.5

On aime :

Une bande sonore magistrale

Des décors superbes

Un gameplay nerveux

Des boss très impressionnants

Le Japon médiéval, ses paysages, son atmosphère

On aime moins :

Frustrant de par sa difficulté

Un gameplay artificiellement technique

Une I.A. désastreuse

Une caméra qui a du mal à suivre

Sekiro, un personnage sans profondeur ni charme