Cet hiver, Geeko et Belgium-iPhone vous proposent de découvrir une série de dossiers qui lèvent le voile sur les plus grandes marques IT – de Nokia à Apple en passant par Samsung, nous levons le voile sur l’histoire des plus grandes marques et vous aidons à mieux comprendre leur stratégie, leur philosophie et leurs produits… Stephen Elop, le nouvel homme fort de Nokia Autrefois leader incontesté des téléphones portables, Nokia a progressivement perdu des parts de marché pour ne devenir qu’un acteur du monde mobile. Accusé d’avoir manqué la révolution tactile, le géant finlandais rattrape à grandes enjambées son retour sur la concurrence. Une histoire qui a débuté il y a plus d’un siècle Née en 1865, Nokia était à l’origine une petite entreprise locale qui n’avait pas grand chose à voir avec les télécoms. Beaucoup de gens l’ignorent mais Nokia était initialement une entreprise spécialisée dans la production de papier qui n’adoptera le nom de sa localité que six années après sa création. L’entreprise diversifiera rapidement ses activités, en se lançant sur le marché de l’électricité. A bout de souffle après la seconde guerre mondiale, Nokia Company sera racheté par Finnish Rubber Works, un fabricant de pneus, qui achètera également dans la foulée une autre entreprise de la ville de Nokia, la Finnish Cable Works, spécialisée dans les téléphones et les télégraphes. En 1967, les trois entreprises fusionneront complètement pour former Nokia Corporation. Durant une trentaine d’années, l’entreprise commercialisera des produits divers et variés allant du téléviseur aux produits chimiques. Une importante partie de son business sera liée à la production de matériel de télécommunication pour l’armée. Cette expertise permettra à l’entreprise de développer le premier réseau GSM pour le compte de l’opérateur finlandais Radiolinja en 1989. Ce n’est cependant qu’en 1992 que Nokia lancera le premier GSM, le Nokia 1011. Des débuts enthousiasmants Le Nokia 1011 est le tout premier GSM commercialisé par Nokia. Très rapidement, Nokia réalise à quel point le GSM est révolutionnaire. Il utilise le marketing pour imposer ses premiers terminaux. Le 8110, sorti en 1996, apparait dans le film Matrix et fait le buzz grâce à son design futuriste. En 1999, il sort le Nokia 8210, un appareil conçu sur mesure pour le grand public qui préfigure le style visuel qui fera toute la popularité de la marque à travers le monde. Son successeur, le 3210 se vendra à un peu plus de 160 millions d’exemplaires. En 2000, Nokia est le leader incontesté du marché. Son 3310 est le GSM le plus populaire en Europe. Il se vend à plus de 130 millions d’exemplaires en l’espace de quelques années. Nokia innove, propose des appareils de plus en plus performants, personnalisables, intègre un appareil photo à ses GSM et parvient à reproduire ses exploits à plusieurs reprises. En 2003, il sort le 1100, qui se vendra à plus de 200 millions d’exemplaires. Nokia est à l’apogée de son succès. D’erreur en erreur Loin de se reposer sur ses lauriers, le fabricant prend des risques. En 2003, il lance une console de jeu “révolutionnaire” , la N-Gage. La console, qui fait également téléphone portable, lecteur MP3, radio, browser et GPS est vendue trop chère et souffre d’un design trop original pour séduire. L’appareil se vend à seulement 2 millions d’exemplaires et fait un flop. Tout en continuant à sortir de nouveaux modèles de GSM, qui connaissent moins de succès que leurs ainés, Nokia expérimente. Il lance son premier appareil sous Symbian, son futur système d’exploitation mobile de référence. Le géant finlandais propose des concepts qui ne font pas mouche. Avec son clavier QWERTY peu pratique, le 5510, lancé en 2001, est un bel exemple de maladresse, qui se reproduira à plusieurs reprises… En 2003, Nokia lance le 7600, un étrange GSM en forme de goutte d’eau qui propose la 3G et dispose d’une interface qui sort des sentiers battus. Nouveaux revers. L’entreprise continue d’innover quelques années encore en proposant des appareils atypiques avant de se résigner à produire quasi exclusivement des GSM “qui marchent’. L’opportunité manquée des smartphones De 2003 à 2007, Nokia sortira quantité de nouveaux modèles aux qualités inégales. Le fabricant tentera certes quelques approches différentes en s’inspirant de ce que propose la concurrence, notamment avec un clavier physique façon BlackBerry, mais ce sont ses GSM traditionnels qui marcheront le mieux et pousseront la firme à éviter de prendre des risques. Parallèlement, de nouveaux rivaux émergent. RIM propose des smartphones à touches dès 2003 et connait une popularité croissante auprès des clients business, HTC propose ses premiers terminaux à écran large et se lance dans l’aventure Windows Mobile dès 2005 et Apple introduit l’iPhone en 2007. La plupart des fabricants entrevoient directement les nouvelles possibilités qu’offrent les terminaux tactiles et se lancent dans l’aventure. Nokia, lui, préfère miser sur la diversité. En 2008, il se résigne à passer au tactile, mais le succès n’est pas vraiment au rendez-vous. Deux années plus tard, Nokia ne sait plus où donner de la tête. Il reste le premier fabricant de téléphones portables au monde mais accuse un retard considérable sur ses concurrents sur le segment des smartphones. Son système d’exploitation principal, Symbian, peine à démarrer. La popularité croissante d’Android et le succès d’Apple l’oblige à chercher de nouveaux partenaires. L'annonce du partenariat entre Nokia et Microsoft surprend autant qu'elle déçoit. Windows comme seule et unique solution A l’époque, Nokia cherchait activement la solution miracle. Avec un nouveau CEO aux commandes, le désormais très populaire Stephen Elop, l’entreprise reprend le goût pour le risque. Elle décide de signer un partenariat avec le géant américain Microsoft. L’annonce déçoit autant qu’elle surprend. Nombreux sont ceux qui pensent alors que Nokia vient de brûler sa dernière carte… Sebastiaan van Silfhout, Managing Director de Nokia Benelux confirme: “En septembre 2010, nous avons étudié toutes les options, y compris tenter l’aventure Android. Nous avons songé à continuer avec notre propre plate-forme, Meego, ou Symbian.” Cette seconde solution a rapidement été écartée, car les ventes de Symbian étaient depuis quelques temps en chute libre. La première, en revanche, a fait son petit bonhomme de chemin, surtout chez les fans. Très populaire, Android est souvent vu comme le système d’exploitation miracle qui fait vendre des smartphones par palettes entières. S’il est vrai que l’OS occupe des parts de marché importante, tous les constructeurs ne sont pas forcément satisfaits des ventes de leurs appareils. De plus en plus, le système d’exploitation se réduit aux produits de Samsung et aux smartphones d’entrée de gamme. Rien d’étonnant dès lors à ce que HTC et Huawei lorgnent du côté du nouveau rival made in Microsoft. Pour Sebastiaan van Silfhout, cela ne fait aucun doute, si Nokia a opté pour Windows, c’est parce que ce système d’exploitation sort du rang. “Quand on regarde Windows 8, c’est une plate-forme pour votre ordinateur avec laquelle vous êtes familiarisé. C’est construit sur base d’un système très proche de Windows Phone 8. Un tel écosystème est important pour nous. Le design nous plaisait beaucoup, avec une interface d’utilisateur unique.” Certes, mais quid de Nokia si la solution Windows ne fonctionne pas? Sûr de lui, Stephen Elop déclare à l’assemblée “qu’il n’y a pas de solution B”. “La solution B, c’est de faire en sorte que la solution A fonctionne.” Autrement dit, si Windows Phone ne marche pas pour Nokia, c’est la longue descente aux enfers. Certes, le fabricant pourrait sans doute sortir un smartphone Android, mais serait-il réellement en mesure de rivaliser avec Samsung ou HTC une fois affaibli? C’est très peu envisageable. Nokia n’a plus les ressources d’autrefois et doit impérativement jouer le tout pour le tout. Avec Windows Phone 8, Nokia joue son avenir. Il s’agit d’une stratégie sur le long terme, qui risque d’affaiblir considérablement la firme sur le court terme. Et le deal n’est pas à sens unique. Pour Microsoft, Nokia représente un fervent supporter, la firme qui pourrait porter à bout de bras son OS mobile. Pour Nokia, Microsoft représente une belle promesse d’avenir. La popularité croissante du système d’exploitation sur PC et tablettes devrait permettre aux smartphones WP8 de gagner en popularité auprès du grand public. A Nokia et aux autres partenaires dès lors d’attirer le consommateur avec des terminaux hors-norme. Un repositionnement complet de la marque, vers le glam' et la modernité. La touche Nokia Mais Nokia est-il toujours capable de rivaliser avec des firmes comme Apple ou Samsung? Si le 3310 était tendance au début des années 2000, c’est désormais le Galaxy S3 et l’iPhone 5 qui occupent les préoccupations des plus jeunes. Plus que jamais, Nokia veut redevenir désirable, faire de ses Lumia des appareils capables d’attirer le regard des jeunes. Mais comment parvenir à un tel exploit? En gardant les valeurs fondamentales de la firme (solidité, qualité) tout en osant sortir du rang. “Notre objectif est toujours de créer des produits de qualité. On essaye de proposer des appareils résistants pour tous. Les Lumia présentent cette caractéristique d’être créés en polycarbonate, ce qui permet de les rendre vraiment résistants. C’est dans l’ADN de notre entreprise. Le design est également une partie essentielle de ces produits. Les consommateurs aiment avoir quelque chose de spécial. Jouer avec les couleurs nous permet de sortir du rang. Il est évident que nous avons perdu une partie de notre public. Les jeunes de 20 à 35 ans sont une cible prioritaire de Nokia. Nous voulons créer quelque chose d’innovant. Des produits qui permettent d’avoir une vie extraordinaire” explique le Managing Director de Nokia Benelux. A côté du design, il y a aussi les fonctionnalités du smartphone. Pour se différencier des autres fabricants de Windows Phone, Nokia investit massivement dans le développement d’applications exclusives et dans un matériel de pointe. “Nous ouvrons notre plate-forme à d’autres développeurs pour qu’ils puissent préparer des applications à travers notre environnement. Nous créons également des applications dans des secteurs clés : la géolocalisation et la photographie.” Les acheteurs d’un smartphone Lumia ont donc plus qu’un simple Windows Phone entre leurs mains. Ils font l’acquisition d’un GPS opérationnel et du meilleur capteur photo mobile du moment (pour le 920). La suite logicielle des smartphones Lumia offre un avantage certain à Nokia sur les autres fabricants de Windows Phone. La finition, la résistance, le design et les couleurs lui permettent de prendre une position de challenger face à ses autres rivaux. Une stratégie complexe qui risque de prendre un certain temps avant de fonctionner… Nokia mise également sur l'acquisition de Navteq et sa nouvelle plate-forme, Here. Un avenir encore incertain Pour en arriver là, Nokia a du faire de nombreux sacrifices. Le géant s’est séparé de sa gamme de smartphones de luxe Vertu, a réorganisé ses divisions, fermé certaines usines et licencié à tour de bras. L’avenir repose en grande partie sur l’équilibre fragile qui règne entre les ventes de smartphones et de GSM traditionnels. Il y a quelques semaines, Nokia dévoilait également “Here”, sa nouvelle plate-forme de géolocalisation multi plates-formes, disponible sur le Web, iOS et Android. Pour l’heure, difficile de dire si Nokia tentera de percer sur d’autres marchés. Avant de se lancer dans la production de tablettes, GPS ou lecteurs MP3, Nokia devra indiscutablement stabiliser son business mobile et revenir dans le trio de tête. Un challenge de taille pour une société qui a déjà prouvé à de multiples reprises ses capacités à innover.