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L’UE accuse Pékin de monopoliser les licences de technologie de smartphones

L’UE souhaite défendre son secteur de la haute technologie face à la Chine. 

Le 18 février, l’Union européenne (UE) a déposé une plainte contre la Chine auprès de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Elle l’accuse d’avoir empêché les entreprises de l’UE de saisir un tribunal étranger pour protéger et utiliser leurs brevets. Ces violations présumées de brevets auraient coûté des milliards d’euros aux entreprises européennes.

Ainsi, l’UE a demandé des consultations. Elles constituent la première étape de la procédure de règlement des différends de l’OMC. Celles-ci devront déboucher sur une solution satisfaisante dans un délai de 60 jours. Autrement, l’UE pourra demander à l’OMC de mettre en place un groupe spécial chargé de statuer sur la question.

Un frein pour l’innovation

Selon l’UE, les politiques chinoises seraient extrêmement préjudiciables à l’innovation et à la croissance en Europe. En clair, elles priveraient les entreprises technologiques européennes de la possibilité d’exercer et de faire respecter les droits qui leur confèrent un avantage technologique.

“Nous devons protéger l’industrie de haute technologie dynamique de l’UE, un moteur d’innovation qui garantit notre rôle de premier plan dans le développement des futures technologies innovantes. Les entreprises de l’UE ont le droit de demander justice dans des conditions équitables lorsque leur technologie est utilisée illégalement. C’est pourquoi nous lançons aujourd’hui les consultations de l’OMC”, déclare Valdis Dombrovskis, vice-président exécutif et commissaire chargé du commerce.

Pression et menaces envers les entreprises européennes

D’après le communiqué de presse, des réglementations chinoises viseraient à exercer une pression sur les entreprises de l’UE titulaires de brevets de haute technologie et à les empêcher de protéger légitimement leurs technologies. Il accuse aussi les tribunaux chinois utiliseraient la menace de lourdes amendes pour dissuader les entreprises européennes de s’adresser aux tribunaux étrangers.

Par exemple, dans ce contexte réglementaire, le suédois Ericsson, le finlandais Nokia et le japonais Sharp auraient perdu beaucoup d’argent. La cour suprême chinoise leur avait interdit de protéger leurs brevets en concluant des accords de licence devant des tribunaux étrangers.

“La Chine empêche sévèrement les entreprises de l’UE qui détiennent des droits sur des technologies clés (telles que la 3G, la 4G et la 5G) de protéger ces droits lorsque leurs brevets sont utilisés illégalement ou sans compensation appropriée par, par exemple, des fabricants chinois de téléphones mobiles” dénonce l’UE. En clair, les détenteurs de brevets qui vont en justice en dehors de la Chine s’exposeraient à des amendes importantes en Chine. “Ce qui les met sous pression pour se contenter de droits de licence inférieurs aux taux du marché“, regrette l’institution.

Quels sont les brevets concernés ?

Les brevets concernés par cette affaire sont les “brevets essentiels à la norme”. Aussi appelés BEN, ces brevets sont présents dans le domaine des télécommunications où les normes 3G, 4G et 5G permettent l’interopérabilité des produits ou services offerts par les acteurs du domaine.

En bref, l’utilisation des technologies protégées par ces brevets est obligatoire pour la production, par exemple, d’un téléphone mobile. Ainsi, “les titulaires de brevets se sont engagés à concéder ces brevets aux fabricants à des conditions équitables, raisonnables et non discriminatoires” précise le communiqué. Les titulaires des brevets accordent donc des “licences équitables”. Ce sont les licences Frand et leur mission est d’assurer un accès libre au marché.

Via ce cadre juridique, les instituts de normalisation des télécommunications imposent aux contributeurs de déclarer tous leurs brevets ou demandes de brevet. De son côté, le titulaire du BEN s’engage à octroyer une licence sur le ou les brevets en cause à tout tiers en faisant la demande. Dans le cas où un fabricant refuserait de payer ou n’obtiendrait pas de licence, alors le détenteur du brevet peut faire valoir ces brevets et obtenir d’un tribunal qu’il arrête la vente des produits incorporant cette technologie sans licence.

Des injonctions spéciales 

Depuis août 2020, les tribunaux chinois rendent des décisions appelées “injonctions anti-poursuites”. Autrement dit, la Cour suprême populaire de Chine a décidé que les tribunaux chinois pouvaient interdire aux titulaires de brevets de s’adresser à un tribunal non chinois pour faire valoir leurs brevets en mettant en place une “injonction anti-poursuite”.

Selon la Cour suprême populaire, la violation de cette injonction pourrait être sanctionnée par une amende journalière de 130.000 euros. Depuis lors, les tribunaux chinois ont adopté quatre injonctions anti-poursuites de ce type à l’encontre de titulaires de brevets étrangers.

Des droits de licence contestés

La Commission accuse également Pékin d’avoir fixé des droits de licence trop bas. La Chine les aurait proposés à la moitié du taux du marché. Un taux précédemment convenu entre les fournisseurs de technologie occidentaux et les fabricants.

En cas de conflit sur les prix de leurs brevets, les fabricants de technologie s’adressent aux tribunaux pour le fixer. Et, concrètement, les tribunaux chinois fixent les prix à la moitié de ceux pratiqués en Occident. Les entreprises paient donc moins cher la technologie des fournisseurs étrangers.

Selon la Commission, ces droits de licence inférieurs priveraient les fabricants de smartphones d’une source de revenus cruciale. Une somme qui pourrait, par exemple, être réinvestie dans la recherche et dans le développement.

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