Accéder aux catalogues Netflix et HBO Max américains ou regarder une série belge de la plateforme RTBF Auvio depuis son chalet en Corse, c’est possible avec un VPN. Mais en a-t-on vraiment le droit ? L’utilisation des réseaux privés virtuels (ou VPN) s’est répandue ces dernières années grâce à un marketing acharné de la part de certains services tels que NordVPN. Pour rappel, un VPN permet de crypter votre connexion et de vous connecter à Internet depuis un serveur situé dans un autre pays. Un site web interprètera donc votre adresse IP comme venant de Paris en France, par exemple, alors que vous êtes à Liège, en Belgique. Ce service permet donc premièrement de sécuriser une connexion et d’empêcher, avec une efficacité relative, que certains tiers ne s’emparent de vos données. Mais également de simuler un emplacement géographique et de contourner le blocage géographique de certains services en ligne. Pourquoi n’a-t-on pas accès à certains contenus depuis la Belgique ? Il y a différentes raisons, mais lorsque nous parlons de contenu en ligne proposé par des plateformes de streaming (Netflix, Hulu, HBO, M6,…), cela touche au contenu numérique protégé par le droit d’auteur. En effet, ces différents services sont des diffuseurs. Et pour diffuser un contenu soumis aux droits d’auteur, ils payent des droits de diffusion pour chaque pays dans lequel ils le proposent. Si la RTBF voulait diffuser son téléfilm du dimanche sur le web en France, elle devrait payer des droits de diffusion pour le sol français. Si cette règle est facilement applicable à la télévision classique, l’arrivée du streaming sur internet a contraint les diffuseurs à mettre en place des pare-feux pour bloquer les utilisateurs situés à l’étranger. Au risque de se prendre une amende. Que dit la loi ? Il faut commencer par préciser que l’utilisation d’un VPN est parfaitement légale au sein de l’Union européenne et donc en Belgique. Seules certaines utilisations malicieuses qui en sont faites sont illégales. En ce qui concerne le contournement du géoblocage par VPN, comme son nom l’indique, il contourne la loi et semble rester encore en zone grise. Des mesures de protection existent et visent à empêcher qu’une utilisation non conforme d’une œuvre ait lieu. C’est aux auteurs d’une œuvre que revient le droit de définir qui peut diffuser cette œuvre. Outrepasser cela revient donc à ne pas respecter ce droit. Il y a donc une atteinte à la propriété intellectuelle. Concernant cela, le SPF économie indique sur son site : “La contrefaçon et la piraterie sont les concepts qui sont généralement utilisés pour indiquer une violation des droits de propriété intellectuelle, c’est-à-dire des actes (utilisation, fabrication ou commercialisation par exemple) effectués sans le consentement du titulaire du droit de propriété intellectuelle”. Dans un autre article, le SPF économie précise que certains dispositifs, tels que le blocage géographique en déduit-on, sont mis en place pour faire respecter le droit d’auteur : “La loi interdit de neutraliser ces dispositifs. « Craquer » les protections des œuvres constitue une atteinte au droit d’auteur et peut donc être poursuivi devant les tribunaux. Il en est de même pour la fourniture de moyens de « casser » ces protections techniques (exemple : logiciels de craquage de protection)”. Si les utilisateurs passant par un VPN ne “craquent” ni ne “cassent” pas à proprement parler la protection technique qu’est le géoblocage, ils le contournent bel et bien. On peut donc en déduire que cette utilisation malicieuse d’un réseau privé virtuel est illégale. Par ailleurs, beaucoup de fournisseurs de services VPN mettent cette pratique en avant comme argument marketing, cela semble potentiellement condamnable également. Concernant les peines encourues : “La loi prévoit plusieurs moyens judiciaires permettant de mettre fin à une violation de droits d’auteur et de droits voisins ou à obtenir une indemnisation de cette violation des droits”, cela indique que si les ayants droit ou les plateformes le réclament, il faudra soit tout simplement arrêter de contourner le géoblocage, et peut-être payer des dommages-intérêts. Les atteintes graves au droit d’auteur peuvent aussi être passibles de sanctions pénales, d’amendes et d’emprisonnement. Mais tout cela reste extrêmement théorique et il n’existe pas de jurisprudence à ce propos en Belgique. L’utilisateur usant d’un VPN pour contourner les blocages pourrait probablement être coupable de piratage et de contrefaçon, mais il est peu probable que des auteurs ou des services tels que Netflix ou M6 portent plainte pour cela. Les moyens qui devraient être déployés pour retrouver les véritables adresses IP de chaque fraudeur muni d’un VPN seraient démesurés. À la place, des services comme Netflix sont inventifs et tentent surtout de bloquer les IP provenant de serveurs VPN connus, c’est plus simple. Certains services VOD interdisent d’ailleurs dans le contrat d’utilisation l’usage de VPN, sous peine de fermer le compte de l’utilisateur, c’est le cas de Netflix. L’Union européenne dans la balance Un Règlement de l’Union européenne datant de 2018 révoque toute tentative de géoblocage au niveau des commerces en ligne parmi ses États membres. Ces restrictions sont en effet jugés discriminantes, car les prix peuvent changer en fonction de la localisation du client. Cette restriction ne s’applique pas encore aux services de partage de contenu numérique protégé par le droit d’auteur, tels que les plateformes de streaming, les e-books ou les jeux vidéo. Mais ça ne saurait tarder. La Commission européenne doit en effet réévaluer ce critère et il se pourrait que l’on puisse prochainement avoir accès à des bouquets de contenu européens plutôt que nationaux. Mais pour accéder au contenu hors Europe, la bonne vieille technique du contournement par VPN sera, jusqu’à nouvel ordre, toujours de mise. L’intérêt de plus en plus limité du VPN Si accéder au catalogue de Netflix US avait beaucoup de sens il y a quelques années, compte tenu de l’énorme catalogue de films & séries auquel les Américains pouvaient avoir accès par rapport aux Européens, cela n’a aujourd’hui plus beaucoup de sens, Netflix ne proposant pratiquement plus que des contenus “originaux”. Son catalogue s’est harmonisé partout sur Terre. Il en va de même pour Amazon Prime ou Disney +, qui intègre désormais certains contenus Hulu, une plateforme indisponible en Europe. Pour d’autres services, comme HBO Max, les contenus sont généralement exploités par d’autres plates-formes chez nous, comme BeTV notamment. S’abonner en utilisant un VPN au service est donc aussi illégal que pirater, dans la mesure où l’exploitant qui dispose des droits pour les films & séries en Belgique est lésé. On notera au passage que, pour ne pas froisser leurs partenaires, les géants américains du streaming mettent de plus en plus souvent des barrières empêchant de s’abonner depuis l’étranger, en bloquant par exemple l’achat d’un abonnement avec une carte de crédit étrangère.