Grosse exclusivité Microsoft, Sea of Thieves marque le retour du développeur Rare (les cultissimes Killer Instinct et GoldenEye) qui, depuis 2010, s’était consacré aux jeux Kinect. Avec ce projet aussi ambitieux que décrié, Rare propose in fine une expérience tout à fait particulière dans l’univers du jeu vidéo, dans la peau d’un pirate qui, en bon corsaire, écume les mers à la recherche de pièces d’or, parfois au détriment des autres joueurs. Sea of Thieves est sans aucun doute une expérience un peu à part. Le titre semblait à première vue taillé pour être un MMO en mer mais ce n’est pas véritablement le cas. Dénué de scénario, dépourvu de niveau d’expérience, sans guildes ni factions à proprement parler, il propose tout simplement un bac à sable (prenant la forme d’un océan et d’îles) à explorer à la première personne et à partager avec d’autres joueurs connectés. Navigation à vue Sea of Thieves se joue exclusivement en ligne, en solo ou avec un équipage allant jusqu’à quatre autres joueurs composés d’amis préalablement sélectionnés ou d’autres personnes choisies au hasard au moment de la connexion. On choisit de se lancer dans l’aventure soit à bord d’un modèle de bateau à une voile (un sloop), soit aux commandes d’un galion d’envergure (le sloop étant toutefois vivement recommandé si vous partez seul à l’aventure). A plusieurs, la coopération et la communication sont essentielles, cette dernière se faisant soit via le combo micro-casque, soit par le biais d’une roue textuelle assez bien fournie. Naviguer (définir une destination, lever/jeter l’ancre, gérer la barre, déployer et orienter les voiles, donner la direction, etc.), faire face aux autres joueurs connectés (préparation et utilisation des canons, abordage) et réparer votre vaisseau marin en cas de dégâts (clouer des planches pour boucher les trous, écoper l’eau à l’aide d’un sceau), sont les élémentaux à maîtriser si vous souhaitez rester à flot et vous enrichir. Signalons au passage qu’il est inutile de s’attacher à son bateau puisqu’un nouveau vous sera assigné à chaque naufrage et nouvelle partie. A la conquête d’un nouveau chapeau L’unique but de Sea of Thieves est en réalité d’accumuler suffisamment d’argent pour pouvoir s’acheter de nouveaux vêtements et accessoires qui, outre le fait qu’ils soient assez chers, n’ont strictement aucun impact sur les compétences de votre personnage ou même du gameplay. C’est que Sea of Thieves ne propose en effet pas de levelling. Pas de progression du personnage, pas de système d’expérience, seulement quatre types d’armes (un coutelas, un pistolet, un tromblon et une arquebuse à mire) et trois types de quêtes (on y reviendra) sont mis à la disposition des joueurs. Tout le monde est sur le même pied d’égalité et les différences entre les joueurs ne sera qu’esthétique, chacun pouvant acheter et choisir différentes coupes de cheveux et de barbe, arborer un crochet ou une jambe de bois rutilante, avoir une boussole dorée plutôt qu’argentée, tirer avec un pistolet vert plutôt que rouge, etc., etc. Tout cela n’aura aucun impact sur le gameplay : vous n’irez pas plus vite ou moins vite avec une jambe de bois et vous ne tirerez pas mieux avec une arquebuse dorée. De ce point de vue là, l’intérêt du jeu semble incroyablement mince et limité. Au petit bonheur la chance L’intérêt du titre est en effet ailleurs. Même si se lancer dans l’aventure en solo peut être amusant quelques heures, Sea of Thieves est avant tout pensé pour le partage, la collaboration, les parties de plaisir entre potes et…le piratage des autres joueurs. Tout son potentiel se déploie alors, chaque session de jeu pouvant contenir nombre des moments épiques en fonction de vos camarades de jeu. Avoir des amis confirmés en ligne est un atout, car ceux attribués au hasard de la connexion peuvent soit s’avérer être de véritables boulets, soit des compagnons de choc, qui pourront d’ailleurs si vous le souhaitez devenir par la suite vos amis via une commande directement insérée dans la roue textuelle. La partie entamée peut donc être des plus agréables comme des plus déplaisantes. De par sa nature, Sea of Thieves embarque d’ores et déjà avec lui tout un flot de joueurs au comportement toxique, uniquement là pour chasser les autres et leur piquer leurs trésors juste avant leur validation. Exemple : vous passez près d’une heure à rechercher un trésor rare et, juste avant de le revendre pour encaisser vos pièces d’or, un satané corsaire vous snipe et pique votre butin. Terriblement frustrant mais, il faut bien l’avouer, aussi totalement “pirate” dans l’esprit ! En cela, Sea of Thieves a besoin de quelques rééquilibrages. Les avant-postes, par exemple, qui sont les endroits où le joueur valide les quêtes, revend ses trésors et achète ses accessoires, devraient peut-être devenir des zones de paix où il est impossible d’attaquer l’ennemi. Rare a promis trois mises à jour majeures (et gratuites) cette année, gageons qu’il corrige le tir… En revanche, si vous êtes bien accompagné, l’aventure vous sourira davantage. Les nombreuses possibilités d’interaction in game, aussi futiles qu’amusantes, mettent de l’ambiance (il est possible de danser et de jouer de la musique pour motiver les troupes, boire son rhum jusqu’à vomir sur les autres, etc.) et assurent le spectacle côté délire. Mais le gros du jeu réside évidemment dans ses quêtes, qui sont à activer auprès des trois sociétés présentes aux avant-postes : Les Collectionneurs d’or, l’Ordre des âmes et l’Alliance des marchands. Votre mission, si vous l’acceptez, est de jouer au livreur FedEx La première catégorie de quête est la plus intéressante : à partir d’une carte au trésor, elle vous demande d’aller trouver un ou plusieurs coffres sur les îles. Pas de mini-carte des lieux à disposition, tout doit se faire à l’observation et à l’aide de votre boussole. Les quêtes plus avancées demanderont même d’explorer des îles plus “vastes” et de décrypter des rébus inscrits sur des parchemins. Trouver l’endroit exact correspondant au “X” représenté sur votre carte, creuser à l’aide de votre pelle et découvrir un coffre s’avère alors un moment particulièrement jouissif, surtout s’il est partagé avec un équipage digne de ce nom. La seconde catégorie de quête demande quant à elle de partir affronter des squelettes et leur capitaine afin de récolter des crânes sacrés et la troisième, la moins intéressante, demande de capturer des poules et cochons dans des cages pour les rapporter à des marchands. Si chaque catégorie de quête s’intensifie au fil de votre progression (vous augmentez tout de même de niveau au sein de ces “guildes” au fur et à mesure des missions, mais cela n’a pas d’effet sur vos compétences qui ne bougent pas d’un iota), ces diverses missions ne sont au final que des quêtes FedEx, demandant de chercher quelque chose sur une île pour le rapporter à un avant-poste. Point A à point B, avec éventuel passage à un point C. Pas très excitant à la longue ! Un jeu à consommer via le Game Pass Ajoutez à cela un système de combat ultra basique, des îles un peu trop désertes et des ennemis qui se ressemblent (des squelettes et des serpents sur terre, des requins et un Kraken absolument décevant en mer), et vous aurez fait le tour de Sea of Thieves. Pas de PNJ (si ce n’est les marchands) qui viennent vous accoster, et très peu d’évènements sont à signaler (quelques épaves à explorer sous l’eau et des nuages en forme de crâne annonçant des zones où les boulets de canon fusent en votre direction). Visuellement, le jeu affiche un aspect cartoon plutôt réussi, des textures très belles, avec un rendu de l’eau et des lumières magnifiques ainsi qu’une ambiance sonore au diapason. Signalons toutefois que de nombreux bugs sont présents et que les serveurs souffrent parfois franchement, une déconnexion subite n’étant jamais exclue. Tout cela paraît finalement mince pour une exclusivité Xbox One/PC attendue depuis un moment. C’est effectivement peu, mais votre satisfaction variera en fonction de la manière dont vous vivrez Sea of Thieves. L’idéal étant de s’y pencher par petites sessions, et idéalement avec des amis fiables. Pour tester la chose et éviter toute déception, on ne peut que vous recommander de vous le procurer via le programme Xbox Game Pass (qui est gratuit à l’essai pendant 14 jours), le jeu ayant rejoint le catalogue depuis son lancement le 20 mars dernier. Conclusion Sea of Thieves est une expérience unique, aussi déroutante en solo qu’enthousiasmante à plusieurs. Avec son univers bac à sable propice aux délires entre potes et aux vols injustes, son esprit 100% pirate peut vous séduire à condition d’être bien accompagné. Une bonne connexion et quelques amis eux aussi connectés en guise d’équipage sont indispensables pour véritablement s’amuser, le titre étant dénué de réel but (si ce n’est cosmétique) et de progression. Rare a livré là un terrain de jeu formant une base plus ou moins solide qui paraîtra chiche à beaucoup de joueurs mais qui offre pourtant la possibilité de vivre d’innombrables moments épiques et délirants. Moments qui seront sans aucun doute multipliés avec les mises à jour gratuites promises par l’éditeur.