AFP PHOTO / Dale de la Rey De WhatsApp à iMessage, les concurrents du SMS se multiplient. Face à la chute accélérée des revenus, les opérateurs télécoms tentent de trouver des parades. Illustration en Suisse, avec Swisscom et Sunrise. L’agonie a débuté. Et personne ne sait combien de temps elle durera. Elle pourrait être rapide. D’ici peu, le SMS payant aura disparu. Ses concurrents – pour la plupart gratuits – auront eu raison de ces 160 caractères facturés 20 centimes. De la science-fiction? Pas vraiment, à en croire les opérateurs de téléphonie mobile. Carsten Schloter, directeur de Swisscom, effectuait récemment un constat sans appel: «Au premier trimestre, le nombre de SMS facturés a chuté de 28%. La substitution vers des services alternatifs s’accélère, et des concurrents tel WhatsApp représentent une menace sérieuse. Nous devons faire face à une cannibalisation de nos services par d’autres qui utilisent notre propre réseau.» Du coup, Swisscom se prépare au pire. «Nous anticipons qu’à terme nous ne vendrons plus de SMS: ils seront entièrement inclus dans des offres forfaitaires. Peu après, ce sera la voix qui subira le même sort», prédit Carsten Schloter. Leurs ennemis, les opérateurs les connaissent bien. Ils fonctionnent via Internet, et «mangent» des parts infimes des forfaits mensuels de données. Il y a d’abord WhatsApp, l’application développée par une start-up qui leur «vole» plus de 2 milliards de messages par jour (lire ci-dessous). Il y a aussi Apple, qui a introduit en 2011 ses «iMessages»: ils permettent à deux propriétaires d’iPhone de s’envoyer des messages gratuitement entre eux. Autrement plus redoutable que WhatsApp, iMessage est directement greffé dans l’application SMS du téléphone. Il y a aussi le BlackBerry, qui intègre un système de discussion instantanée entre deux utilisateurs. Ou encore Samsung, qui a lancé un service similaire à WhatsApp, baptisé ChatON, et disponible sur tous les types de smartphone. Mais aussi, plus discrètement, Facebook: «De nombreux opérateurs remarquent que de plus en plus de leurs clients envoient moins de SMS à cause de Facebook, du coup leur vache à lait du SMS se réduit. […] Le trafic va vers Facebook Chat ou Instant Messenger», notait récemment le cabinet d’analyse Strand Consult. Swisscom n’est pas le seul à souffrir. «La prolifération de services comme WhatsApp et iMessage se fait sentir aussi chez Sunrise. Pendant le premier trimestre 2012, nous n’avons enregistré pour la première fois aucune augmentation du volume des SMS», explique Roger Schaller, porte-parole de Sunrise. Mais l’entreprise affirme réagir: «La part des clients avec un abonnement SMS sans limites a triplé depuis le premier trimestre de l’année précédente.» Les opérateurs réagissent, donc, et tous ne souffrent pas de la même manière. «En 2011, le nombre de SMS chez Orange a augmenté, affirme Roland Lötscher, directeur du marketing chez l’opérateur. Car contrairement à Swisscom, Orange développe son offre SMS depuis des années déjà et a ainsi anticipé la tendance à de telles applications suffisamment tôt avec ses propres offres. Nous proposons depuis 2010 déjà le forfait SMS le plus avantageux du marché. Nos clients ne sont donc pas amenés – contrairement à ceux de Swisscom – à chercher à tout prix des alternatives telles que iMessage ou WhatsApp.» La pique est claire, et la tendance globale: inclure les SMS dans des offres forfaitaires. «Aujourd’hui déjà, deux tiers des 7 à 8 millions de SMS que nos clients envoient le sont via des offres forfaitaires», explique Christian Petit, responsable de la clientèle privée chez Swisscom. Mais n’aurait-il pas fallu agir plus tôt en abaissant le prix du SMS de 20 centimes de manière générale? «Face à des services gratuits, même un centime pour un SMS est considéré comme trop cher, rétorque Christian Petit. En moyenne, avec les offres forfaitaires, le prix d’un SMS est de 5 centimes chez nous. Et je ne pense pas qu’il va disparaître totalement, car certaines personnes âgées continueront à envoyer des SMS.» Le grand espoir des opérateurs, c’est que WhatsApp et iMessage conservent des limitations. «Ce sont des mondes fermés: WhatsApp requiert d’avoir installé l’application, et Apple n’aura jamais 100% du marché des smartphones», poursuit Christian Petit. Sans compter que ces deux services requièrent un accès à Internet – qui n’est pas partout garanti, même en Suisse. Pour passer à l’offensive, les opérateurs tentent de trouver le successeur du SMS. «Nous sommes en phase d’évaluation de services Rich Communications, ou RCS. Les clients pourraient ainsi profiter de solutions de communication intégrées (voix, messaging, visiophonie, partage de photos/documents) sur une seule interface», avance Roland Lötscher. Christian Petit précise: «Ces services sont en phase de test en Espagne, et bientôt en Allemagne.» Mais n’est-ce pas un réveil trop tardif? «Non, assure le responsable de Swisscom. Car ces services sont compatibles entre tous les opérateurs, depuis tous les téléphones. C’est un avantage unique.» Anouch Seydtaghia/Le Temps