Ils utilisaient des cartes de crédit volées pour faire des dons auprès de streamers complices. Début octobre, une fuite d’une envergure sans précédent a rendu publique une grande partie des données de la plateforme Twitch. Le code source de la plateforme, les revenus de l’intégralité des streamers et des projets secrets se sont ainsi retrouvés du jour au lendemain accessibles à tout le monde. Si la majorité de l’attention s’est concentrée sur l’argent gagné par les plus gros streamers, une analyse plus approfondie a permis de détecter un grand nombre d’anomalies dans les revenus de plus petits streamers. En Turquie, plus de 2.400 streamers sont ainsi accusés par l’unité turque de renseignement financier (MASAK) d’avoir participé au détournement de plus de 8 millions d’euros. Des Bits pour blanchir l’argent Le mode opératoire était simple. Une fois des données bancaires volées, les criminels procédaient à l’achat de « Bits », une monnaie virtuelle utilisée sur Twitch qui permet de soutenir les streamers que l’on apprécie. Les bits achetés avec l’argent volé étaient ensuite dépensés auprès d’une sélection de streamers complices. Une fois reçu, l’argent était transféré sur différents comptes bancaires. En échange de leur collaboration, les streamers pouvaient garder une commission comprise entre 20 et 30 % de la somme qui transitait par leur chaîne. Cette technique leur a permis de blanchir une grande quantité d’argent. Sans le leak, le stratagème aurait sans doute pu se poursuivre encore longtemps. C’est en s’intéressant aux revenus fournis dans la fuite que certaines personnes se sont aperçues que les chiffres ne collaient pas. Certains petits streamers gagnaient en effet beaucoup trop d’argent par rapport à leur faible audience, engendrant dans certains cas plusieurs milliers de dollars avec une trentaine de spectateurs. Un problème présent depuis longtemps Le streamer turc Twitch Grimnax, a révélé au média Middle East Eye, qu’il avait eu une conversation avec un des responsables de cette escroquerie. Dans les captures d’écran qu’il a partagées sur Twitter, on peut voir un des responsables expliquer la procédure à Grimmax pour participer à la combine. « Je ne devais pas être un streamer suffisamment conséquent. Ils ne m’ont proposé que 20 % » s’amuse-t-il. « C’est quelque chose dont beaucoup d’entre nous sont conscients depuis longtemps », explique Grimmax. « Mais nous ne pouvions pas le prouver jusqu’à présent. Une fois que cela a été révélé, nous avons attendu que les grands noms de la plateforme parlent de ce problème, car moi-même et les influenceurs de niveau intermédiaire n’étions pas assez bruyants. » Twitch a réagi en sanctionnant plus de 150 streamers turcs. Le MASAK indique de son côté que l’enquête se poursuit.