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Un projet de loi menace la vie privée des Belges

Le gouvernement fédéral souhaite pouvoir désactiver le chiffrement des messages de certains utilisateurs pour faciliter les enquêtes. Les experts en cybersécurités mettent en garde contre les dérives et se mobilisent.

La confidentialité des messages est un des piliers de l’Internet moderne. De nombreuses applications, comme WhatsApp ou Signal, font de la sécurité leur fonds de commerce, en proposant un chiffrement de bout en bout, où seules les personnes qui communiquent peuvent lire les messages échangés.

Un nouveau projet de loi du gouvernement fédéral pourrait cependant remettre en cause l’existence de ce type de messagerie et inquiète les défenseurs de la vie privée. L’objectif de cette loi est de permettre à la police, à la justice et aux autres représentants des forces de l’ordre, de pouvoir déchiffrer les échanges de certains utilisateurs sur des plateformes comme WhatsApp. Selon les autorités, cela permettrait de surveiller et d’interpeller plus facilement les criminels.

Il n’existe cependant aucun moyen de désactiver partiellement ce chiffrage et de le limiter à certains utilisateurs. Il faudra donc totalement désactiver les options de chiffrages pour l’ensemble de la population. Des experts estiment qu’il est impossible de permettre aux forces de l’ordre d’accéder aux données chiffrées d’un utilisateur sans mettre en danger la sécurité de tous les utilisateurs.

Un risque de sécurité

Les experts pointent également du doigt les impacts que pourrait avoir l’application de cette loi. Sans ce cryptage, les utilisateurs belges seraient beaucoup plus vulnérables aux attaques malveillantes que les autres utilisateurs. « C’est offrir des opportunités supplémentaires aux escrocs » indique à la RTBF Frédéric Taes, bénévole au sein de l’ONG Internet Society. Outre la protection de la vie privée, le chiffrement permet de garantir qu’un message n’a pas été modifié et qu’il a bien été envoyé par un certain expéditeur. Sans cette protection, il serait possible de se faire passer pour un autre utilisateur ou de modifier des messages pendant leur envoi.

Frédéric Taes craint également qu’en s’engageant dans cette voie, la Belgique ne crée un précédent en Europe et que d’autres pays ne s’engouffrent dans la même direction. Le professeur Bart Preneel, de la KUL, expert en cybersécurité, déclare dans L’Écho « Il est essentiel d’avoir la possibilité d’avoir des conversations chiffrées, protégées. Les citoyens ont droit à la vie privée. Cette loi est une menace pour la vie privée des Belges ».

Une fausse solution

« Il faut bien comprendre que si cette loi passe, les criminels trouveront d’autres plateformes et d’autres moyens de communication », explique Bart Preneel. « Si le chiffrement devient interdit, on va aussi rendre les réseaux 3G et 4G beaucoup moins sûrs, puisqu’ils ne pourront plus être cryptés . On met tout le monde en danger avec cette loi. Toutes les conversations sont susceptibles d’être écoutées. Pour moi, le gouvernement veut affaiblir la sécurité de nos communications. »

Au lieu de désactiver le chiffrement, Frédéric Taes propose d’autres alternatives : « Pour pister les criminels et les terroristes, il existe d’autres techniques. Il faut cibler davantage l’individu suspect et on peut avoir beaucoup d’informations en dehors des messages, en analysant simplement qui envoie un message, à quel moment, à quelle fréquence… »

Ce projet de loi est déjà considéré par certaines personnes comme un des plus dangereux pour la liberté d’expression en Europe. Pour manifester leur désaccord, cinquante ONG, universités et entreprises militant pour la protection de la vie privée en Europe et à travers le monde ont publié une lettre ouverte contre ce projet de loi.

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