Plusieurs mois avant la sortie du nouvel Assassin’s Creed, nous avons pu poser toutes nos questions au producteur du jeu, Julien Laferrière. Geeko – Quand avez-vous commencé à travailler sur Assassin’s Creed Valhalla ? Qu’est-ce qui a fait que vous avez choisi de développer un nouvel AC à l’époque des Vikings ? Julien Laferrière – On a commencé à travailler sur AC Valhalla fin 2017, après avoir sorti Origins. On a choisi d’exploiter l’univers des Vikings, car cela faisait longtemps qu’on y pensait. On a une petite liste avec diverses périodes historiques qui nous inspirent et qu’on souhaiterait développer dans la franchise. Avec Origins et Odyssey, on a eu l’occasion d’introduire davantage d’éléments RPG, ainsi que des phases navales qui ont bien trouvé leur place dans la franchise. On trouvait qu’on avait les éléments adéquats pour développer un jeu dans l’univers des Vikings. Puis en creusant un peu dans leur histoire, on s’est rendu compte qu’ils étaient vraiment intéressants. Dans Assassin’s Creed, on aime creuse l’histoire, mais on aime aussi dépeindre la réalité du quotidien des petites gens à leur époque et les Vikings se prêtaient bien à la franchise. Le fait est que les peuples nordiques n’avaient pas une tradition écrite, mais plutôt orale. C’est pourquoi la plupart des récits mettant en scène des Vikings étaient surtout du point de vue des Anglais ou Français. Pour eux, les Vikings étaient des envahisseurs, ils les ont donc dépeints d’une certaine façon. En faisant des recherches poussées, on a découvert une tout autre réalité et c’est cette réalité-là qu’on a voulu raconter dans le jeu. Comment avez-vous fait pour intégrer l’univers des Vikings dans le jeu ? Et comment cela s’est-il traduit dans le gameplay et l’histoire de Valhalla ? On a d’abord été visité la Norvège pour s’imprégner de l’environnement. On a vu les aurores boréales, on a navigué sur des drakkars, on s’est battu avec des boucliers pour tenter de comprendre comme tout cela fonctionnait. On a également travaillé avec des historiens et des experts, notamment Jackson Crawdford, un expert des langues et de la culture nordique. Il y a eu un gros travail de recherche. Après, on s’est concentré sur la manière d’intégrer tous ces éléments de l’histoire des Vikings dans le gameplay du jeu. On voulait notamment offrir aux joueurs la possibilité de faire des raids. On a fait en sorte de créer un vrai sentiment d’appartenance à un clan en faisant en sorte que les joueurs puissent gérer un village viking établi en Angleterre. On a également intégré des éléments de ce peuple nordique au niveau des combats et de la progression, afin de permettre aux joueurs de personnaliser au maximum leur expérience dans le jeu. Pour résumer, la sphère viking se manifeste dans le jeu au niveau de l’histoire qu’il développe, des quêtes et du monde en général, mais également dans les mécaniques du jeu qui sont influencées par la fantaisie viking. Justement, quelle place occupe la mythologie nordique dans Assassin’s Creed Valhalla ? En tant qu’open-world, le jeu propose autant des phases de combat qui sont liées à la trame principale que des mariages, des romances avec des PNJ, des petites quêtes intimistes, etc. Le fait d’avoir un village qui prospère fait qu’on s’attache aux PNJ. C’était important pour nous que les conflits ne se résolvent pas uniquement par des combats. Le gros du jeu se passe en Angleterre, mais pour nous, c’était important de commencer en Norvège pour plusieurs choses. Cela permettait d’introduire l’univers viking et de permettre aux joueurs d’explorer les paysages nordiques. Il y a des réalités historiques, il faut comprendre pourquoi ils ont quitté la Norvège pour l’Angleterre. Dans leur pays d’origine, il y avait peu de terres cultivables pour nourrir les peuples et il y avait beaucoup de tensions politiques. C’est pour cela que le héros a voulu quitter la Norvège. La mythologie était très importante pour les Vikings, mais elle n’était pas vécue de la même manière que les peuples européens. Les dieux vikings vivaient d’une certaine manière sur terre. Les Vikings voyaient donc dans leur quotidien des signes divins. Ils tentaient d’interpréter ces signes pour comprendre la volonté des dieux. Mais c’était un peuple très fataliste. Ils croyaient que l’objectif de la vie était de rejoindre les dieux au Valhalla, de combattre pour l’éternité, d’aller au grand banquet d’Odin. On a tenté de faire comprendre aux joueurs que la mythologie faisait partie du quotidien des Vikings. S’ils voyaient en corbeau, c’était un signe d’Odin. On le traite ainsi dans le jeu. Les Vikings ne se sont pas limités à l’Angleterre, ils ont exploré de nombreuses terres et se sont notamment retrouvés en France, en Islande et en Russie. Pourquoi s’être cantonné à cette localisation ? C’est vrai que les Vikings étaient de grands explorateurs. La technologie navale des Vikings était très poussée, surtout sur les rivières. Ils ont beaucoup voyagé. Quand on s’est intéressé à l’histoire des Vikings, on a tout étudié. On a fait le choix de se concentrer sur l’histoire des Vikings au 9e siècle parce que, selon nous, les Vikings étaient vraiment à leur apogée à cette époque. On a choisi l’Angleterre parce qu’à cette époque, le pays était constitué de royaumes fracturés. Il y avait énormément d’intrigues politiques, les peuples n’étaient pas unifiés. C’était un climat politique tendu, parfait pour raconter une histoire Assassin’s Creed. Qui dit politique instable, dit machination. C’était un terreau fertile pour les intrigues et pour amener la perspective de la marque AC. Et puis en terme géographique, l’Angleterre de l’époque était intéressante, car les terres étaient occupées par beaucoup de peuples ; les Romains, les Saxons, les Celtes. Cela nous a permis de développer une saveur unique pour chaque région de la carte. À quoi peuvent s’attendre les joueurs en termes de grandeur de la carte, de durée de vie ? Une expérience de jeu différente d’Odyssey parce qu’on a revu la structure narrative du jeu. Plutôt que d’explorer la carte d’un bout à l’autre, sans jamais revenir “chez soi”, on a choisi une approche centrée sur un village viking. Il est le point central du jeu, de l’aventure. Il y a plusieurs arcs narratifs, on part de notre village, on vit une aventure, on apprend des choses, mais on revient toujours à notre village. Celui-ci subit les conséquences, positives et négatives, de nos expéditions. C’est un jeu qui va se consommer de façon différente qu’Origins et Odyssey. De plus, ici, la carte de Valhalla est plus terrestre. Il n’y a pas d’océans, même si les drakkars sont présents. Est-ce que les retours des joueurs sur Odyssey ont eu un impact direct sur le développement de Valhalla ? On est toujours à l’affût des avis des joueurs et des fans d’Assassin’s Creed. On les écoute, car on essaie de répondre à leurs attentes, mais à côté, on veut aussi les surprendre. On tente des choses. Il y a une sorte d’équilibre entre les deux. Assassin’s Creed Valhalla sera disponible sur l’actuelle et la prochaine générations de consoles. Est-ce que cela a été pris en compte dans le développement du jeu ? C’est un jeu qui a été conçu pour l’actuelle génération, mais aussi pour la prochaine parce que notre produit est arrivé à une maturité qui lui permet d’être modulé pour la prochaine génération de consoles. Avec des consoles plus puissantes, les joueurs peuvent évidemment s’attendre à des graphismes plus beaux, à des temps de chargement plus courts et à d’autres aspects plus ou moins remarquables.