Test – Ghost Recon Breakpoint : un reboot trop ambitieux

Attendu au tournant, le nouveau volet de la franchise Ghost Recon est désormais disponible sur Xbox One, PS4 et PC. Le nouveau titre d’Ubisoft tient-il toutes ses promesses?

Avec Wildlands, Ubisoft avait profondément transformé le concept de la série, autrefois jeu de guerre tactique désormais déclinée à la sauce open-world, façon GTA-like. Le résultat était plutôt convaincant, malgré de nombreux petits défauts, inhérents au genre. Si les fans ne s’y étaient pas retrouvés, les précédentes tentatives de remettre au goût du jour la série (avec les deux Advanced Warfighter) n’avaient pas non plus générés un très vif enthousiasme des fans. Et il faut le dire, Ghost Recon n’était pas non plus une série très grand public. En le transformant en un jeu open-world, Ubisoft entendait en faire l’une de ses franchises phares. Après Wildlands, les équipes d’Ubisoft ont donc planché sur un nouvel open-world baptisé Breakpoint. Les très bons scores du précédent volet ont également encouragé le studio à y mettre les moyens.

Les thèmes abordés dans Breakpoint font mouche…

Le résultat? Sur le papier, Breakpoint avait tout du triple AAA. Visuellement, le résultat est d’ailleurs plutôt impressionnant. Breakpoint est incontestablement l’un des plus beaux open-world auxquels nous avons pu jouer. Les développeurs sont parvenus à créer un vaste monde ouvert aux décors variés et splendides et ont accordé une attention toute particulière aux détails – des poils de barbes de nos vétérans à la végétation luxuriante qui ondule sous le vent. Breakpoint flatte la rétine, en particulier sur PS4 Pro et Xbox One X.

Autre bonne surprise : Ubisoft s’est donné les moyens de nous en mettre plein les yeux avec un scénario plus travaillé que d’ordinaire pour un jeu du genre, des thèmes qui font mouche (avec une légère portée politique et de vraies questions en suspens sur l’usage des armes autonomes et des drones) et un joli casting, au sein duquel Jon Bernthal – alias The Punisher – brille de mille feux. L’acteur donne vie au bad guy le plus sophistiqué de la série. De ce point de vue là, Ghost Recon évolue donc dans la bonne direction par rapport à Wildlands, qui se contentait d’enchainer les missions sans vrai fil conducteur…

A la première personne, le jeu est beaucoup plus immersif.

L’ennui, c’est que si le studio s’est donné les ambitions de nous livrer un triple-A de qualité, la façon de procéder malheureusement loin d’être au point. Tout d’abord parce que si le monde ouvert de Breakpoint est superbe et varié au niveau de ses décors, sa construction pose question. L’île que vous parcourrez offre un relief très accidenté qui force le joueur à utiliser principalement un hélicoptère pour se déplacer. Se déplacer à pied dans Breakpoint est pratiquement impossible. En véhicule, il faudra suivre des chemins très sinueux qui vous feront perdre beaucoup de temps. Plus inquiétant, les points de respawn lorsqu’on décède ont tendance à être très distants – forçant le joueur à parcourir de longues distances à pied. Dans la pratique, on se retrouvera ainsi parfois à plus d’un kilomètre de sa mission, après être tombé sur le champ de bataille, avec aucun véhicule à proximité et la nécessité de parcourir des décors très verticaux parfois au pas. On le sent, le jeu a un gros problème de level-design.

Côté gameplay aussi, Breakpoint souffre de nombreux défauts de conceptualisation. Si Ubisoft vend Breakpoint comme un TPS tactique et survivaliste, on se rend toutefois très vite compte des limites du game design. D’un côté, l’éditeur prône l’infiltration dans un titre qui se voudrait technique. De l’autre, l’I.A. des opposants est probablement l’une des moins développées que nous ayons pu affronter dans un TPS. La plupart des unités n’ont aucune conscience de leur environnement. Il ne sera ainsi pas rare d’éliminer un ennemi à proximité de l’un de ses camarades à l’arme lourde sans que ce dernier ne s’en rende compte… Paradoxalement, d’autres unités vous descendront d’une balle sans que vous ne les ayez aperçu…

Même topo pour ce qui est du game design, avec de très bonnes idées comme la possibilité de se camoufler dans la boue par exemple, pour échapper aux drones et aux groupes d’ennemis qui fouillent le terrain à votre recherche. Sauf que dans la pratique, il sera souvent plus efficace de s’enfuir en courant sous un feu nourri ou de foncer dans le tas à toute allure. Si Breakpoint pousse le joueur à élaborer une stratégie, les mécanismes du jeu sont si mal pensés qu’on optera le plus souvent pour une solution plus simple.

Autre exemple de mauvais game design : les multiples éléments hérités des RPG qui n’ont rien à faire dans Breakpoint, du loot qui permet de faire grimper le niveau du joueur au petit bonheur la chance – et qui n’a en soi aucune logique puisqu’une casquette peut mieux protéger le joueur qu’un casque si son niveau est supérieur – au système de points d’expérience qui permettra de faire évoluer son personnage en débloquant de nouvelles capacités – intéressant sur le papier, mais dans la pratique, les joueurs auraient sans doute souhaité un TPS qui tienne la route et une I.A. plus réactive. Et c’est sans parler des nuages de drones qui sillonnent l’île. On l’a compris, Ubisoft souhaitait évoquer la thématique des armes autonomes dans Breakpoint, mais ce n’était pas forcément une raison pour nous mettre du drone à toutes les sauces. Certes, les drones font désormais partie de la guerre, mais un amateur de FPS ou de TPS ne souhaite pas forcément passer son temps à guider un drone dans les cieux pour repérer ses ennemis – de la même façon qu’il ne souhaite pas forcément hacker des terminaux dans un GTA-like.

L’île offre quelques splendides panoramas.

Enfin, on évoquera brièvement la question de l’aspect survie, qui était censé avoir un très gros impact dans le jeu. Le joueur est ainsi poussé à s’alimenter régulièrement et à s’approvisionner en eau douce. Le soucis, c’est que si cela donne un léger avantage, ces éléments restent secondaires et donc dispensables. Le joueur ne sera pas plus précis dans ses tirs s’il s’hydrate régulièrement. L’idée d’intégrer des composantes survivalistes n’était pas mauvaise en soi mais dans la pratique on a également l’impression qu’elles n’étaient pas vraiment nécessaires.

On le sent, les développeurs de Breakpoint ont peut-être été un peu trop ambitieux avec leur titre et ont voulu y glisser des tas d’idées tirées de tas de jeux. Mélange improbable de GTA-like, de TPS, de FPS, de jeu de survie et de jeu coopératif, Breakpoint ne brille malheureusement dans aucun des genres auquel il touche. La conduite des véhicules est beaucoup trop imprécise (et même surréaliste pour ce qui est des motos) pour en faire un bon GTA-like. Côté gameplay, on passe sans cesse de la vue à la troisième personne pour les déplacements à la vue à la première personne pour les séquences d’action. L’immersion en prend un sacré coup… Pour ce qui est de l’aspect coopératif enfin, Breakpoint fait mouche en ligne, mais se révèle injouable en solitaire. Le concept entier du jeu est basé sur la coop. L’ennui, c’est que contrairement à Wildlands, le jeu ne propose pas de parcourir l’aventure avec des bots. Il faudra obligatoirement passer par le online pour jouer en équipe. Inutile de le préciser : Breakpoint n’a aucun intérêt si vous ne le faites pas avec des potes. Car jouer avec des étrangers peut représenter un véritable défi. Il suffit qu’un seul d’entre eux parte en vrille pour que le jeu devienne un véritable supplice.

Visuellement, Breakpoint est plutôt une bonne surprise.

Au final, difficile donc de prendre son pied dans un jeu qui ne sait pas trop sur quel pied danser et qui souffre d’un vrai manque de finition. L’absence de bots en solo est impardonnable et si la coop’ rend le jeu beaucoup plus agréable à parcourir, encore faut-il avoir sous la main des amis qui ont également le jeu! Bourré de bonnes intentions, Breakpoint manque donc le coche. La bonne nouvelle, c’est que de nombreux défauts du jeu pourraient être corrigés progressivement au fil des mises à jour… La mauvaise, c’est que tous ne pourront pas l’être, à l’image par exemple de la topographie des lieux ou de l’interface de jeu surchargée.

Du côté des bonnes surprises, on évoquera brièvement le mode PvP qui propose du 4vs4 sur des cartes de taille réduite, particulièrement réussi malgré sa simplicité. Le jeu se révèle étonnamment beaucoup plus tactique et technique face à des humains. L’ennui, c’est qu’il manque un peu d’ambition et que les affrontements en 4 vs 4 restent très limités en terme de taille par rapport à ce qu’on peut voir dans la plupart des FPS & TPS récents. S’il est plutôt une bonne surprise, il ne représente toutefois qu’un petit bonus par rapport au contenu principal du jeu qui est bien axé sur la coop dans un vaste open-world.

Conclusion

Entièrement axé sur la coop et le jeu en ligne, Ghost Recon : Breakpoint s’écarte un peu plus de ses origines pour surfer sur la vague des mondes ouverts. Si les amateurs de jeux de guerre apprécieront les très gros efforts consentis au niveau du scénario et de la mise en scène et quelques excellentes idées au niveau du gameplay – notamment, la possibilité de se cacher dans la boue pour devenir pratiquement invisible aux ennemis -, difficile de pardonner à Ubisoft des choix désastreux au niveau du level-design, avec un monde ouvert très mal pensé qui forcera le joueur à réaliser la plupart de ses trajets en hélicoptère tout en évitant des nuages de drones aussi frustrants qu’agaçants. Malgré un monde ouvert aux décors soignés et variés, Breakpoint peine à séduire, la faute à des éléments de gameplay parfois trop complexes à appréhender ou qui n’ont pas du tout leur place dans un shooter. L’I.A. désastreuse des ennemis nous prouve que Breakpoint est loin d’être la simulation qu’il prétend être. Pratiquement injouable en solo de par sa difficulté (le joueur affrontera seul les hordes d’adversaires, Ubisoft n’ayant pas eu le temps d’intégrer des I.A. alliées), Breakpoint montre un visage heureusement très différent en multijoueur, avec un mode coop efficace malgré la répétitivité des missions et des modes PvP entraînants. C’est un fait, Breakpoint aurait mérité quelques mois de développement supplémentaires. Avec de gros efforts, Ubisoft parviendra peut-être à rectifier le tir, au fil des mises à jour. En l’état, le constat reste malheureusement peu convaincant.

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Ghost Recon : Breakpoint

Gameplay 4.0/10
Contenu 6.0/10
Graphismes 7.5/10
Bande son 7.0/10
Finition 6.0/10
6.1

On aime :

Une réalisation plutôt soignée

Un scénario et une mise en scène travaillés

Le PvP est plutôt une bonne surprise

Des décors assez variés

Quelques très bonnes idées côté gameplay

On aime moins :

Une I.A. désastreuse

Pratiquement injouable en solo

Un monde ouvert très mal pensé

Des drones partout!

Des éléments empruntés aux RPG qui n'ont pas leur place ici