À jouer l’anti-Facebook, Twitter est-il devenu un carré VIP pour une élite ultra-éduquée ? Ou un véritable outil de partage d’infos ? Question d’usage. «Tous des brandeurs ». La formule, utilisée récemment par Libération dans un dossier consacré aux journalistes actifs sur Twitter, avait claqué comme une gifle. Traduction simultanée et vite extrapolée : sous un vernis altruiste de prétendu « partage d’informations », la centaine de millions d’utilisateurs de Twitter aurait en réalité les yeux vissés sur leur nombril, les pieds dans leur petit pré carré et l’esprit tout entier dévolu à leur « personal branding », soit le développement de leur image de marque personnelle. Et toc ! « Je tweete, donc je suis » ? Il y a, sans doute, un peu de cela. Etre « reconnu » sur ce réseau social, un chouïa « sélect », donne, ou peut donner, le sentiment de gagner en épaisseur dans « la vraie vie ». Etre suivi, relayé (« retweeté »), recommandé, ferait gagner des points sur le terrain. Le politique tweete pour montrer qu’il bosse plus, le « geek » qu’il en connaît plus, le consultant qu’il est plus compétent, le chef d’entreprise qu’il est plus fort, le journaliste qu’il en sait plus, le blogueur qu’il est plus influent, le passionné qu’il est plus passionné, le râleur qui râle plus, etc. « Twitter est le légo de l’ego », écrivait joliment Cyrille Franck sur owni.fr/ Tous des « brandeurs », donc ! Faux. D’ailleurs, celui qui confond Twitter et « gueulophone » connaîtra très vite de grands moments de solitude. Le réseau est impitoyable, relève, sans concession, mais souvent avec une jolie pointe d’humour, le moindre dérapage (ou « fail »), traque l’auto-promo lancinante, le radotage, le racolage, le bavardage creux. Et plus on est connu dans le monde réel, plus la chasse est féroce (politiques et journalistes sont donc souvent en ligne de mire). Les vraies stars, ce sont ces anonymes, brillants, experts dans leur domaine, qui créent du sens, partagent leurs ressources, avec (im)pertinence, talent et humilité. Ceux-là même qui se forgent leur réputation, patiemment, sur un socle de crédibilité, non sans l’assortir d’une couche plus « perso » qui fait que le twittos, comme tout le monde, rate sa sauce béchamel, loupe son train ou se fend la poire sur YouTube. On est loin, très loin, de Facebook où, lui reprochent certains, il suffit d’être connu et de se taire ou d’être inconnu mais de multiplier les cornichonneries pour élargir son réseau. La valeur, ici, ne vient pas du nombre d’amis affichés sur son mur, mais est le résultat d’une alchimie complexe entre le nombre de personnes qui vous suivent (les « followers »), le nombre de personnes que vous suivez, l’équilibre entre l’info que vous créez et celle que vous relayez, si vous êtes plus ou moins « retweeté », repris dans des listes de « tweeters » de référence, recommandé par d’autres (les « follow friday »), etc. Gloire à celui qui cisèle de jolies pépites en moins de 140 caractères, avec une syntaxe et orthographe exemplaires, truffées d’info, assorties d’un lien pertinent et ponctuée par le « hashtag » (mot-clé) qui tue. Une vraie science. Twitter, en soi, n’est rien. C’est l’usage que chacun en fera qui le rendra à la fois jouissif et utile, un outil de veille et d’éveil, un accélérateur d’idées et d’échanges. On quitte résolument le « Je tweete, donc je suis » pour le « Je tweete, donc je te suis ». Suivre quelqu’un sur Twitter, cela signifie s’abonner à son flux d’informations, parce qu’on estime qu’elles ont un intérêt. La moindre des choses, c’est de lui renvoyer l’ascenseur en tweetant à la mesure des attentes de ses abonnés. Il suffit d’un clic pour se désabonner… Ainsi va la vie sur Twitter au rythme fou de 1.000 tweets pas seconde. Mais gaffe : 90 % des messages sont produits par 10 % des utilisateurs. En clair : Twitter est aussi le carré VIP d’une élite ultra-éduquée, ultra-connectée et hyperactive. @philaloux L’avis d’utilisateurs de Twitter: @Caro_Bxl : Twitter, “c’est pour réagir” Jacques Mercier: “Twitter, c’est du jeu” Megaconnard: “Twitter, c’est un exutoire” Michelle Blanc: “Twitter, c’est légitimement élitiste” Nathan Soret: “Twitter, c’est des rencontres” Sand La Blonde: “Twitter, c’est surtout des vannes”