Un monde ravagé, des créatures anthropophages et des ressources toujours trop rares : Cronos: The New Dawn plonge le joueur dans une course contre la mort haletante. Bloober Team signe ici l’un de ses projets les plus ambitieux, hommage assumé aux maîtres du survival horror. Désormais spécialisée dans les jeux d’horreur psychologique, la Bloober Team est l’un des studios de développement les plus prolifiques du milieu. En neuf ans, ce sont pas moins de huit jeux qui ont été développés, dont certains très réussis. On se rappellera aisément des sympathiques Observer: System Redux et The Medium ainsi que du remake de Silent Hill 2 sorti en 2024. Avec Cronos: The New Dawn, Bloober nous propose peut-être l’un de ses titres les plus ambitieux de ces dernières années. L’objectif de la Bloober Team est annoncé en 2023 : après énormément de productions axées sur l’horreur psychologique et la sortie annoncée de Silent Hill, le studio polonais va davantage s’orienter vers les jeux d’horreur de masse. Cronos sera finalement annoncé en octobre 2024, reprenant les codes de grands noms du jeu d’horreur comme Dead Space ou Alan Wake. Nous noterons également l’énorme influence de Resident Evil, ce sur quoi nous reviendrons plus tard. Avec Cronos, nous voilà plongés dans un voyage dans le temps, direction la Pologne communiste des années 1980 dévastée par un cataclysme inconnu. La majorité de la population humaine a été décimée, tandis que ce qu’il en reste a été transformée en créature assoiffée de sang prête à tout pour se nourrir de ce qui reste de vivant sur Terre. Difficile toutefois de comprendre pourquoi nous sommes propulsés sur la Planète bleue depuis une fusée spatiale, c’est au fil de l’aventure que nous apprendrons le pourquoi du comment. Notre personnage, qui est une voyageuse temporel, doit comprendre ce qui a ravagé la planète et trouver un moyen d’arranger la situation. Le scénario est clairement l’un des points forts du jeu, alternant entre scènes du passé au début de l’épidémie et le présent ravagé, notre héroïne se retrouve engouffrée dans une histoire profonde, avec une histoire que l’on se plait à découvrir en lisant les documents perdus ici-et-là, et même quelques fins alternatives en fonction de nos choix. L’ADN polonais du studio et son ambiance communiste se ressent énormément. Ce qui saute aux yeux dès les premières minutes de Cronos, c’est l’impressionnante réalisation, la narration soignée et la mise en scène digne d’un film hollywoodien. Le jeu nous propulse très rapidement dans un univers sombre, glauque et brumeux à la manière d’un Silent Hill. Tel un jeu de survie (car c’est ce qu’il est, dans sa plus pure définition), Cronos nous oblige à rester à chaque instant sur nos gardes, lampe torche défaillante à la main, craignant le moindre gisement rougeâtre d’où peut à tout moment surgir un Orphelin, ces créatures anthropophages qui sautent sur le moindre cadavre gisant au sol pour gagner en puissance. Et c’est ça la force du jeu. Loin d’être un simple walking simulator, Cronos va puiser dans ce qui se fait de mieux (et de pire) dans le domaine du survival pour nous proposer une expérience grisante en bien des points. De l’utilisation des armes à la gestion des ressources ou des affrontements avec les ennemis, c’est une course avec la mort qui nous est proposée. Tout au long de l’aventure, le jeu nous propose de récupérer plusieurs armes plutôt sommaires, allant du pistolet au fusil à pompe en passant par le marteau, une arme au corps à corps. Chaque arme est adaptée à une situation particulière et peut-être améliorée grâce à l’énergie, une sorte de monnaie que l’on trouve absolument partout et qui permet aussi d’acheter du consommable. L’intérêt avec ses armes à feu est que l’on peut concentrer le tir pour augmenter les dégâts, mais cela prend plus de temps, nous rendant plus longtemps sans défense face à l’ennemi. Un ennemi qui profite des cadavres présents sur le sol pour se régénérer et gagner en puissance. Dès qu’un Orphelin passe à côté d’un cadavre, il va l’absorber et devenir bien plus puissant, le rendant donc plus difficile à tuer. Ça apporte un vrai plus aux affrontements, rendant les ennemis évolutifs et permettant de varier le gameplay qu’à partir d’une seule créature. Et cette situation, il est très facile de l’éviter. Les créatures, bien que toutes semblables au début, évoluent très vite en absorbant leurs congénères morts. Très rapidement dans votre aventure, vous récupérerez une sorte de brûleur lance-flamme. Celui-ci ne dispose que d’une recharge qu’il est possible de récupérer à certaines bornes, mais son intérêt réside dans le fait que vous pourrez brûler les cadavres pour empêcher les ennemis “vivants” de les absorber. Mais c’est là que réside la difficulté de Cronos puisque comme précisé, vous ne disposez au début que d’une recharge de ce lance-flamme, que vous pourrez améliorer par après. Il faut donc intelligemment dépenser cette cartouche, au risque de vite se retrouver en danger face à des créatures trop difficiles à éliminer. Et ce manque de munitions et ressources, il se ressent à chaque niveau du jeu. Très habilement, le titre ne fait à chaque instant ressentir le manque cruel de ressources. Le plastique et le métal permettent de fabriquer des munitions ou un boost de santé, mais on n’en trouve certainement pas à tous les coins de rue. Et si vous souhaitez faire des stocks pour les situations les plus ardues, alors vous vous retrouverez avec un inventaire bien trop petit. La gestion des ressources et des munitions est tellement compliquée que c’est probablement ce qui nous aura le plus angoissé dans toute notre aventure, bien plus que les créatures. C’en est tellement stressant que le moindre tir raté nous fait remettre toute notre aventure en question… Le manque de ressources est omniprésent et valable aussi bien pour les munitions que les matériaux. Il faudra être économe… En revanche, nous regrettons que Cronos: The New Dawn soit un peu trop prévisible dans sa construction et linéarité. On sait presque à chaque fois quand un ennemi va survenir et nous attaquer. Et le level design nous obligeant bien souvent à multiplier les allers et retours, dès lors que nous avons nettoyé une zone, on n’est plus jamais embêtés. Avec ce Cronos, la Bloober Team a souhaité développer une ode au survival horror et aux jeux qui ont fait ses lettres de noblesse. Les déplacements de l’héroïne semblent directement récupérés du remake de Silent Hill 2, du même studio. Légèrement pataude, notre aventurière du temps est assez pénible à déplacer. Mais ce n’est pas le seul élément récupéré d’autres mastodontes que l’on regrette. Le système de sauvegarde, extrêmement punitif, est d’un autre temps. Comme dans les Resident Evil 2 et 3 ou dans ce même Silent Hill 2, il faut trouver des lieux sûrs où sauvegarder. En dehors de ces safe zone, impossible de quitter le jeu sans perdre sa progression. On retrouve également les coffres, typiques de Resident Evil, servant à faire de la place dans l’inventaire. Visuellement, ça claque. Enfin, visuellement, la Bloober Team signe peut-être avec Cronos: The New Dawn sa plus belle production. Encore une fois, l’Unreal Engine 5 fait des merveilles avec des effets de lumière absolument somptueux et un environnement sombre et lugubre presque réaliste. Aidé par une bande son au poil, le titre est probablement l’un des plus aboutis sur ce point de cette fin d’année, d’autant que nous n’avons presque pas ressenti de bugs ou de ralentissements sur PS5. Si l’on devait reprocher quelque chose à la technique, ce serait les modélisations et animations faciales, parfois très rigides. Conclusion Avec Cronos: The New Dawn, la Bloober Team prouve qu’elle sait sortir de sa zone de confort pour livrer un survival horror ambitieux, sombre et exigeant. Porté par une réalisation somptueuse et une mise en scène soignée, le titre séduit par son atmosphère suffocante, son gameplay tendu où chaque ressource compte et ses affrontements intelligemment pensés. Mais derrière cette réussite se cachent aussi quelques lourdeurs héritées de ses inspirations, une certaine linéarité et des mécaniques datées qui brident parfois l’expérience. Cronos n’en reste pas moins une belle réussite pour les amateurs du genre, un hommage appuyé aux grands noms du survival horror, qui parvient à maintenir la tension jusqu’au bout malgré ses écueils.