Quatre ans après un premier volet remarqué, Tormented Souls 2 replonge Caroline Walker dans l’horreur. Plus beau, plus oppressant, mais toujours aussi rigide : un hommage aussi sincère qu’impitoyable aux Resident Evil d’antan. Il y a quatre ans sortait Tormented Souls, un survival horror indé développé par le tout jeune studio chilien Dual Effect. A l’époque, le titre avait fait sensation et, bien qu’imparfait en beaucoup de points, il se présentait comme une belle première pour le studio. Les retours de la presse et des joueurs ont même, semble-t-il, été suffisamment bons pour encourager les développeurs à se lancer dans la réalisation d’une suite. On retrouve notre chère Caroline Walker et sa petite sœur Anna, qui semble possédée par une force démoniaque et qui a des visions. Pour aider sa sœur, Caroline accepte l’invitation d’une nonne (très mauvaise idée) leur proposant de venir les rejoindre dans un couvent pour combattre le mal (idée encore plus mauvaise). Il s’agira bien entendu d’un piège, les deux sœurs étant très rapidement séparées et plongées au cœur même d’une secte diabolique. Le ton est donné dès les premières minutes de jeu, et plus jamais nous ne serons en sécurité dans ce titre. Le premier épisode avait énormément fait parler de lui pour une chose : l’hommage clairement assumé aux premiers Resident Evil de la PS One. Il se ressent comme une véritable lettre d’amour aux survival de la fin des années 1990 en en reprenant les principaux codes : caméras fixes, angles de vue contraignant, sauvegardes manuelles, gestion rigoureux des munitions, rythme lent… Autant de mécaniques qui, à l’époque, étaient presque inévitables en raison des limitations techniques, mais qui aujourd’hui paraissent désuètes, du moins pour le grand public. Et c’est probablement le plus gros problème de ce type de jeu dont l’objectif est de rendre hommage à des licences cultes qui ont près de 30 ans : le gameplay semble aujourd’hui dépassé et va ne s’adresser qu’à ces nostalgiques du genre. Pour un jeune qui est davantage habitué, entre autres, aux remakes des premiers Resident Evil, Tormented Souls 2 (au même titre que le premier épisode) va sembler très has been et lourdaud dans ses mécaniques. Cela peut en effet paraître archaïque de ne pouvoir sauvegarder qu’à certains endroits, de ne pas pouvoir disposer de la caméra au bon vouloir… C’est malheureusement un pari audacieux. En rendant très (voire trop) fidèlement hommage à un genre aujourd’hui désuet, le studio tourne le dos à un certain public qui aurait pu s’intéresser à Tormented Souls. Dual Effect aurait eu tout à gagner à moderniser la formule avec, pourquoi pas, un switch pour faire passer la caméra au-dessus de l’épaule du personnage, introduire un système de sauvegarde d’urgence… Le gameplay est très semblable aux premiers Resident Evil : sauvegarde manuelle, caméra fixe, inventaire limité par cases… Comme dans le premier épisode donc, le studio fait ici le choix d’un personnage lourd à déplacer, qui apporte énormément à une tension déjà très palpable tout au long de l’aventure. De l’environnement à la gestion de la lumière en passant par la bande sonore ou le gameplay, Tormented Souls mise tout sur une ambiance lugubre et un sentiment d’insécurité qui ne s’estompera jamais de la première à la dernière minute de jeu. Comptez d’ailleurs une petite quinzaine d’heures pour finir votre aventure dans la peau de Caroline, et vous n’en ressortirez très certainement pas indemne. Les énigmes d’abord. Elles sont pensées pour mêler l’observation, la logique et l’exploration. Certaines reposent sur des objets qui peuvent à la fois servir d’outil et d’arme, comme le marteau, là où d’autres énigmes reposent sur le principe de dualité des mondes, avec des actions dans une réalité qui ont bien souvent un impact dans “l’Autre Côté”. Sachez toutefois que pour résoudre les énigmes, jamais le jeu ne vous donnera la solution toute faite (encore un héritage des jeux des années 1990), vous devrez chercher par vous-même, quitte à passer plusieurs heures sur une seule énigme. Si la satisfaction de les résoudre est totale, la frustration de bloquer sur certaines l’est tout autant. Ce qu’on pourrait reprocher au jeu, c’est son manque de constance au niveau des puzzles. Certains puzzles sont plutôt logiques, là où d’autres plutôt incongrus, dont on ne connaît pas vraiment la finalité. Visuellement, le titre claque et provoque une tension palpable du début à la fin. Déplacements rigides, énigmes inconstantes, quid du reste du gameplay ? Là aussi, il faut bien admettre que le jeu mise tout sur la tension permanente. Les esquives sont lentes et peu réactives, les changements d’angle de caméra peuvent souvent perturber, et la gestion des armes a le don d’agacer si on ne les manie pas habilement. Avec un arsenal varié, qui va du pistolet à clous en passant par l’arbalète ou la tronçonneuse, Caroline a tout pour se faire plaisir. Toutefois, la tension palpable fait que l’on ne peut pas toujours prendre notre temps pour tirer, nous obligeant à tirer à l’aveugle. Dans ce deuxième épisode, le studio a intégré un nouvel élément au gameplay qui tient un rôle tout particulier : la lumière. Dans le premier opus déjà elle brillait par sa beauté mais ici, elle revêt une importance capitale pour le salut de Caroline. Si celle-ci reste trop longtemps dans l’obscurité, alors elle perd pied et va littéralement mourir. Se pose alors un dilemme capital. Faut-il sortir son briquet et voir au risque de se retrouver sans défense ? Ou faut-il slalomer entre ombre et lumière, arme à la main mais voir moins bien ? La lumière est tellement bien gérée que ça apporte au titre une atmosphère suffocante, où la lumière vacille entre survie et menace. Au-delà de l’aspect du gameplay, la lumière revête aussi une importance capitale dans l’habillement des environnements. Il y a quatre ans déjà, le jeu se démarquait pour ses décors soignés et effets de lumière sublimes. Le constat reste valable pour cette suite, avec des graphismes presque capables de rivaliser avec certaines grosses productions AAA. La direction artistique est soignée, chaque plan peaufiné afin de recréer avec brio l’essence visuelle des survival horror d’antan. Les modélisations et animations sont tellement datées que ça rend les humains froids et peu attachants. Mais comme dans le deuxième épisode, c’est au niveau des animations et des modélisations que ça fait tache. Aucun progrès n’a été fait sur ce point. Direction artistique irréprochable, en revanche technique très datée rappelant des productions de la PS3, voire de la PS2. On se retrouve avec des personnages en plastique, des animations sommaires et des mouvements ultra rigides, indépendamment des mouvements lents. Les rares PNJ que l’on croise sont inexpressifs, à tel point que les dialogues sont froids. Conclusion Tormented Souls 2 confirme tout le talent de Dual Effect pour recréer l’essence du survival horror classique, tout en soulignant les limites d’un hommage trop figé dans le passé. Le studio chilien livre une aventure glaçante, sublimée par une gestion de la lumière exemplaire, une ambiance sonore suffocante et une direction artistique d’une élégance rare. Mais si la tension fonctionne à merveille, la rigidité du gameplay, les animations datées et certaines énigmes inégales rappellent que le respect du modèle ne suffit pas toujours à le sublimer. Une suite sincère, oppressante et exigeante, qui fera vibrer les puristes — au risque de laisser les autres dans l’obscurité.