Après l’épopée de Jin Sakai, Sucker Punch revient avec Ghost of Yōtei et une nouvelle héroïne glaciale, Atsu, dans une quête de vengeance aussi sanglante qu’envoûtante. Il y a déjà cinq ans, Sucker Punch signait un retour (presque) triomphal après six ans d’absence avec le très remarqué Ghost of Tsushima. Cette licence inédite nous plongeait dans le Japon féodal du XIIIe siècle alors assiégé par les envahisseurs mongols menés par Kotun Khan. Jin Sakai s’imposait alors comme le protecteur de l’île de Tsushima, revêtant le titre de “Fantôme” tant redouté par les Mongols. Avec Ghost of Yōtei, les développeurs américains nous proposent un brusque voyage dans le temps, 300 ans plus tard. 1603. Le titre suit l’histoire d’Atsu, une jeune femme en quête de vengeance depuis l’assassinat lâche et brutal de ses parents et de son frère. Laissée pour mort par le Seigneur Saito, Atsu se met en quête de retrouver Saito et les Six de Yōtei afin de leur faire payer le massacre de sa famille et d’innombrables innocents. Exit donc la défense de l’île face aux envahisseurs, c’est une quête de vengeance qui guide Atsu dans cet épisode. Elle portera d’ailleurs le nom d’onryō, ce qui signifie “esprit vengeur” en japonais. Pour venger sa famille, Atsu part donc à la poursuite des Six de Yōtei. Elle acquiert la réputation d’un personnage froid, difficile à cerner et surtout prête à tout pour accomplir sa quête. Au début de l’aventure, Atsu se présentera comme un personnage froid, auquel on s’attache bien plus difficilement qu’on avait pu le faire par le passé avec Jin. Mais c’est au fil des heures de jeu que l’on apprend à connaître la jeune fille d’une vingtaine d’années. Ses démons font ressortir sa part la plus dangereuse en combat, mais les différentes rencontres qu’elle fera au fil de l’aventure, son amitié forte avec une louve et son amour pour sa terre natale d’Ezo qu’elle veut sauver des griffes du Seigneur Saito en font un personnage que l’on veut apprendre à connaître davantage. Et ses quelques petites plaisanteries dans les lignes de dialogue ne font qu’accentuer notre envie de la connaître davantage encore. Voici Atsu, le personnage principal de cet épisode. Impassible et froide, elle se montre en réalité de plus en plus attachante au fil de l’aventure. Mais via cette quête de vengeance et cette traversée de l’île d’Ezo autour du magnifique mont Yōtei, les équipes de Sucker Punch nous transmettent leur amour indéfectible pour le Japon, sa culture et ses 1001 richesses. Déjà dans le premier épisode, l’on ressentait un monde ouvert attachant, fourmillant de références au Japon féodal et à sa poésie. Cette suite ne fait que confirmer tout le bien que l’on pensait d’une narration déjà magistrale et envoûtante, ne nous donnant qu’une envie : continuer à explorer pour découvrir toutes les richesses de ce monde ouvert et ses beautés. Jin Sakai jouait de la flute, aussi connue sous le nom de shakuhachi, tandis qu’Atsu nous envoûte de son shamisen, une guitare japonaise dont toutes les subtilités lui ont été transmises par sa mère. Et cet amour pour le Japon va bien plus loin que quelques notes jouées sur une guitare. Les musiques sont tout simplement magnifiques et, lors de longs passages à dos de cheval, leurs paroles apparaissent à l’écran en français, apportant énormément de poésie à la narration. Les simples bruitages de la nature, enregistrés en direct depuis un parc national japonais, apportent beaucoup à cet équilibre poétique. La narration gagne enfin énormément grâce au parallèle créé entre le présent d’Atsu et son passé. À certains endroits marquants de l’histoire d’Atsu, comme sa maison familiale, l’on peut revenir selon nos envies dans le passé et interagir avec sa famille disparue ou ses proches. Cela apporte beaucoup à la profondeur du personnage, nous permettant notamment de mieux comprendre ses nombreuses blessures encore ouvertes. Enfin, le titre propose comme son prédécesseur une ambiance purement japonaise, avec le mode Kurosawa en noir et blanc et un doublage entièrement japonais. Petit bonus : la synchronisation labiale japonaise est enfin disponible dès la sortie du jeu, et deux autres modes visuels sont proposés, à savoir Watanabe et Miike. Du côté du scénario, Ghost of Yōtei démarre avec un pitch plutôt ordinaire, celui d’une quête de vengeance qui ne sera assouvie qu’une fois tous les assassins hors d’état de nuire. Rien de bien exceptionnel en soi, mais les scénaristes de cet épisode parviennent très rapidement à apporter beaucoup de consistance au scénario, notamment grâce à d’importants plot-twists, mais également à des personnages très attachants qui revêtent une importance toute particulière dans l’aventure d’Atsu. Ceux-ci apparaissent régulièrement aux endroits-clé où on les rencontre initialement, mais également de manière aléatoire lorsque nous établissons un feu de camp ici-et-là, pour nous donner des indices, nous offrir des cadeaux ou nous proposer des améliorations. Ces feux de camp apportent quant à eux une légère notion RPG, puisque l’on doit nous-même allumer le feu, et cuire notre nourriture, nous prodiguant esprit supplémentaire ou bonus aléatoire. Si vous ne mangez pas, ce n’est pas grave, mais c’est un petit bonus qu’il convient de souligner. Faire une sieste restaure pour sa part la totalité des slots d’esprit. Pour rappel, comme dans le premier titre, l’esprit sert à regagner en vie, mais également à éviter la mort en en dépensant une salve de trois. La mise en place d’un feu de camp se révèle très vite riche en surprises. Une des principales nouveautés de cet épisode est notamment l’introduction d’un scénario non-linéaire. Contrairement à GoT où l’on devait suivre le scénario tracé par les développeurs jusqu’à arriver au boss final, Kotun Khan, GoY nous offre la possibilité de traquer les Six de Yōtei dans l’ordre que l’on souhaite. Cela offre la possibilité au joueur d’aborder le jeu comme bon lui semble, lui permettant notamment de se familiariser avec ce monde ouvert bien plus riche. Au-delà de la quête principale visant à traquer les Six de Yōtei, GoY nous offre une pléthore de quêtes annexes qui visent à agrémenter le contenu, sans toutefois frôler le trop-plein comme peu le faire Ubisoft avec ses Assassin’s Creed. La nouvelle manière d’aborder la map et les quêtes secondaires donne une bouffée d’air frais. Mini-jeux de paris, découpe de bambous, chasse à la prime, poursuite de mythes pour débloquer des armures légendaires, des quêtes de senseï pour apprendre de nouvelles techniques ou armes… Le titre offre la possibilité au joueur d’arpenter les magnifiques plaines d’Ezo tout en choisissant d’accomplir les quêtes qu’il souhaite, à son rythme. La carte n’est ni trop grande, ni trop petite, et l’un des rares moyens de découvrir de nouveaux points d’intérêt est d’explorer. Il existe également la possibilité de débloquer des fragments de carte, repris ici sous le nom d’indices, qu’il est possible d’acquérir en commerçant avec le cartographe, mais également en rencontrant un groupe d’ennemis sur le chemin, de les affronter puis d’interroger le dernier vivant avant de lui laisser la vie sauve. C’était notamment un des reproches du premier épisode. Le monde ouvert était grand, mais trop vide. Si l’on mettait de côté les points d’intérêt à retrouver, affronter les ennemis qui arpentaient la carte n’apportait rien de vraiment intéressant, si ce n’est des ressources. Ici, ils permettent d’en apprendre plus sur la map et donc de débloquer ces fameux indices. Une fois ces indices récoltés, direction la carte, et il vous est alors demandé de les aligner avec la carte pour trouver ces points d’intérêt. On évoquait plus haut la chasse à la prime, Atsu est en effet capable de tout pour s’enrichir, et cela passe par tuer tous ceux qui ont leur tête mise à prix. En ramassant les primes, Atsu va pouvoir partir “à la chasse” mais en se basant que sur quelques informations. Elle ne connaît pas la position exacte de sa cible, mais devoir fouiller autour d’une zone définie. Sa tête sera également mise à prix, et par moments elle sera attaquée par des personnes qui veulent la rançon mise sur sa tête. Les combats restent LE point fort du jeu, requérant toujours autant d’adresse. De nombreux éléments du monde ouvert déjà présents dans le premier épisode sont encore de la partie. C’est notamment le cas des sources chaudes, des bambous d’entraînement, des confrontations avant d’attaquer un ennemi, de la personnalisation et de l’amélioration de l’équipement… Le système de postures du premier épisode a disparu, probablement considéré par les joueurs et les développeurs comme trop perturbant, et a été remplacé par davantage d’armes à courte, moyenne et longue portée. Chaque arme est adaptée à une arme adverse bien particulière, et l’on nous cesse de nous le répéter tout au long de l’aventure, l’objectif étant que le joueur n’ait plus à réfléchir à l’arme à adopter et qu’il parvienne rapidement à sélectionner l’arme idoine par rapport à celle de son adversaire. XVIIe siècle oblige, les ennemis commencent à manipuler les premières armes à feu et mousquets. Atsu s’en détourne rapidement, mais devra composer désormais avec des archers et des fusiliers, ce qui complique sa gestion des armes à distance. Elle, de son côté, bénéficie d’un atout non négligeable : l’aide par intermittence d’une louve avec qui elle se lie d’amitié. Très rapidement, Atsu sera aidée par cette louve lors de situations périlleuses, comme lorsqu’elle n’aura plus de vie, où la louve interviendra de manière aléatoire, offrant une sorte de second souffle. Mais détrompez-vous. Il est impossible d’appeler la louve au combat comme bon vous semble, cela ne se fera qu’à certains moments. Lors de confrontations par exemple, ou encore quand vous assassinerez un ennemi ou lui lancerez une arme de jet. Et pour augmenter vos chances de voir la louve apparaître, il faudra améliorer ses compétences ! Toujours dans ce monde ouvert, vous trouverez des campements où sont rendus captifs des loups. Secourez-les et vous pourrez améliorer votre relation avec la louve. Le loup apporte beaucoup de diversité aux affrontements, bien qu’un poil trop sous-exploité. Les séquences de combat, gros point fort du premier épisode, sont bien évidemment de retour dans toute leur splendeur dans cette suite. Nous ne pouvons que saluer l’effort de Sucker Punch d’être parvenus à réitérer l’exploit, obligeant le joueur à rester attentif au moindre mouvement en plein combat. Il ne suffit que quelques coups à l’ennemi pour que vous tombiez au combat, la rigueur est donc de mise. D’autant que cet épisode introduit la notion de désarmement. Vous pouvez désarmer les ennemis et utiliser leur arme contre ses alliés, mais également être désarmé. Impossible alors de poursuivre le combat ni de contrer les coups, il faudra donc vous hâter vers votre arme pour en finir. Il n’y a vraiment pas grand chose à redire sur les combats, si ce n’est un manque de précision dans la fonction de parade. On a beau presser L1 au parfait moment pour contrer une attaque, cela ne fonctionne pas toujours de manière optimale et peut mettre en péril tout le combat. À l’époque déjà, Ghost of Tsushima s’imposait comme l’un des plus beaux jeux de la fin de vie de la Playstation 4. Le moteur de jeu maison de Sucker Punch avait alors fait de réelles merveilles, bien que les visages souffraient d’une rigidité maladive. Avec ce Ghost of Yōtei, Sucker Punch remet le couvert, avec un épisode qui semble encore plus beau que le premier. Il en est tellement beau que l’on se surprend même parfois à s’arrêter pour admirer la beauté du paysage. Il faut dire que Sucker Punch a tout fait pour pousser à la contemplation, en attestent ces magnifiques passages où l’on doit suivre la louve à toute vitesse, sur le dos du cheval, galopant dans les prairies au beau milieu de dizaines d’autres équidés avec un magnifique soleil qui dépasse du mont Yōtei. Visuellement, ce Ghost of Yōtei est époustouflant. Et même techniquement le jeu impressionne. Aucune perte de fluidité n’a été remarquée, et ce, même dans les passages où il y a davantage d’action ou d’éléments affichés à l’écran. Ce qui est même très perturbant, c’est que le titre se lance en un fraction de secondes. Entre le moment où l’on est sur le menu Home à appuyer sur l’icône de GoY et le moment où l’on est propulsé instantanément dans la partie, il n’y a que quelques secondes qui s’écoulent. Les développeurs nous propulsent immédiatement dans la partie et ne perdent par leur temps avec des fioritures comme un passage obligé par le menu principal. Conclusion Avec Ghost of Yōtei, Sucker Punch livre une suite qui ne se contente pas de prolonger l’aventure de Ghost of Tsushima, mais qui parvient à lui donner une nouvelle identité, portée par une héroïne charismatique et complexe. Atsu, d’abord froide et distante, se révèle peu à peu attachante à travers ses blessures, ses rencontres et son lien particulier avec une louve, apportant une dimension émotionnelle qui manquait parfois au premier opus. Ce récit plus intime, centré sur la vengeance et la reconstruction, se déploie dans un monde ouvert somptueux, l’île d’Ezo, véritable invitation à l’exploration, sublimée par une direction artistique qui transforme chaque instant en tableau vivant. Les combats, point fort de la série, gagnent encore en intensité grâce à l’introduction du désarmement, à la variété des armes et à la présence d’ennemis mieux armés, même si la parade reste perfectible et que la louve, trop rare en combat, aurait mérité davantage d’importance. La chasse non linéaire des Six de Yōtei, les indices cartographiques, les quêtes annexes bien dosées et la chasse à la prime apportent une vraie richesse, sans tomber dans la surcharge. Techniquement, le jeu impressionne par sa fluidité exemplaire, ses temps de chargement quasi inexistants et une bande-son envoûtante qui renforce l’immersion. Sans bouleverser la formule, Ghost of Yōtei réussit à enrichir l’héritage de la licence et à proposer une expérience à la fois spectaculaire et contemplative, un voyage envoûtant qui confirme la maîtrise de Sucker Punch.