Après l’excellent Anno 1800, qui nous avait emmenés dans l’effervescence de la révolution industrielle avec ses flottes marchandes et ses usines fumantes, le studio Ubisoft Mainz revient aux sources de l’Histoire avec un nouvel opus de la saga Anno. Changement radical de décor pour cette aventure, baptisée Anno 117 : Pax Romana, qui nous plonge au cœur de l’Empire romain en l’an 117 après J.-C., une ère de paix relative et de prospérité impériale. Vous y incarnez un gouverneur ambitieux, chargé de bâtir des cités grandioses au milieu des provinces de Latium et d’Albion, où les routes pavées croisent les marais celtiques et les aqueducs majestueux. Ubisoft Mainz est devenu, au fil des années, un pilier incontesté du city-builder stratégique. Fondé en 2002, le studio a hérité de la licence Anno de Sunflowers Interactive, qui avait posé les bases de la série en 1998 avec Anno 1602 : Creation of a New World, un titre visionnaire mêlant gestion économique et exploration maritime dans un univers de colonisation. Ce premier opus, avec ses îles verdoyantes et ses chaînes de production primitives, avait posé les fondations d’une formule addictive : bâtir, optimiser, conquérir. Les suites ont rapidement élargi l’horizon temporel, emmenant les joueurs de l’Âge de la Renaissance (Anno 1404, en 2009) aux colonies lunaires d’Anno Online (2013). Mais c’est Anno 1800 (2019), qui a relancé la série et qui lui a redonné ses lettres de noblesse. Visuellement, le titre est irréprochable. Anno 117 : Pax Romana opère un virage audacieux en nous proposant d’explorer l’Antiquité romaine sous l’empereur Trajan, au zénith de la Pax Romana – cette « paix romaine » qui dura près de deux siècles et vit l’empire s’étendre de l’Espagne à la Mésopotamie. Un changement d’époque qui induit des changements notables dans l’univers du jeu : plus de rails de train ou de dirigeables, mais des fermes à blé irriguées par des aqueducs, des ports grouillants de galères et des marchés. Ce changement d’époque bouleverse les mécaniques de base. Là où Anno 1800 mettait l’accent sur l’expansion globale et les chaînes de production, Anno 117 recentre l’action sur une gestion horizontale et culturelle. Pour la première fois, les joueurs choisissent leur point de départ : une cité romaine loyale à l’empereur ou un royaume celte rebelle, influençant profondément les voies de progression. Une jolie surprise. Au niveau du gameplay, Anno 117 : Pax Romana affine la formule Anno, tout en introduisant des évolutions qui la rendent plus fluide et immersive que jamais. Le concept reste inchangé : c’est un city-builder en temps réel où vous développez des colonies en gérant ressources, besoins et expansions. Vous commencez par poser des humbles habitations pour des liberti (affranchis), puis vous montez en gamme vers des insulae pour plébéiens, des villas pour patriciens, en optimisant des chaînes de production – du blé au pain, du poisson au garum, de l’argile aux tuiles. Mais là où les précédents volets pouvaient s’embourber dans leur complexité, Pax Romana se veut plus accessible. Il est également un peu plus user-friendly, quitte à perdre un peu en réalisme. L’outil « relocaliser » permet ainsi de déplacer instantanément un bâtiment sans le détruire, évitant les frustrations de la planification ratée ; la « copie » duplique des layouts entiers pour une expansion rapide ; et les entrepôts partagés synchronisent les stocks entre îles. Le jeu se veut plus accessible que ses prédécesseurs. Les évolutions par rapport aux opus antérieurs ne s’arrêtent pas là. Fini les grilles orthogonales rigides d’Anno 1800 ; ici, vous pouvez aligner routes et édifices en biais, créant des cités organiques qui serpentent comme les voies romaines réelles. Ensuite, le système d’attributs : chaque ressource ou bâtiment impacte non plus seulement l’économie, mais des stats comme la santé, le bonheur ou la croyance. La recherche s’étoffe via un arbre élargi, débloquant des upgrades comme la récolte de bois dans les prairies. Et pour les amateurs de conquête, le retour du combat terrestre – absent depuis Anno 1404 – apporte une dimension RTS légère : infanterie, cavalerie, artillerie, avec des sièges dynamiques où vous recrutez sur-le-champ. Globalement, ces changements rendent le jeu plus accessible, mais attention, Anno 117 offre toujours un contenu riche et reste difficile à domestiquer. Il faudra y investir beaucoup de temps. On retrouve d’ailleurs un contenu généreux avec la campagne solo et sa narration soignée, le sandbox infini et le multijoueur coop/PvP. Le multijoueur, pour 1 à 4 joueurs, étend la campagne en coop ou oppose en PvP via des duels économiques ou militaires – une nouveauté par rapport à 1800, où le coop était limité au sandbox. Côté technique, Anno 117 : Pax Romana est également une jolie réussite. Graphiquement, le jeu est un régal pour les yeux, propulsé par le Snowdrop Engine d’Ubisoft (celui de The Division), qui excelle dans les environnements vastes et détaillés. Les provinces de Latium et Albion regorgent de vie : herbes ondulantes sous le vent méditerranéen, marais brumeux d’Albion où les huttes celtiques fument au loin, aqueducs. Les textures sont si fines qu’on voit apparaitre les tuiles romaines typiques. C’est beau, très beau même. Et le ray tracing ajoute une profondeur aux eaux portuaires et aux environnements. Le jeu est également très fluide, en 60 FPS. Les combats terrestres sont l’une des nouveautés de cet épisode. L’audio, en revanche, déçoit un peu avec des musiques un peu trop cliché rappelant la gloire de Rome avec des trompettes triomphales. Les doublages en français paraissent également forcés. Conclusion Après l’excellent Anno 1800, Ubisoft Mainz nous livre un nouvel opus très séduisant avec Anno 117 : Pax Romana. Ce city-builder antique, ancré dans l’empire romain, brille par la richesse de son gameplay, tout en se révélant plus accessible que ses ancêtres. C’est un très bon jeu de gestion, qui a le mérite de s’intéresser à une partie de l’Histoire souvent laissée de côté. Une leçon de maîtrise qui prouve que la série Anno est plus que jamais de retour. Visuellement, le titre est aussi une totale réussite avec des environnements superbes et une mise en scène soignée. Tout au plus lui reprochera-t-on une partie audio un peu moins maitrisée. Une chose est certaine, voici LE jeu de gestion de l’année.