Attendu au tournant par les fans de la série, qui n’avaient plus eu droit à un nouvel opus depuis 2014, Dragon Age The Veilguard représente un tournant dans l’histoire de la franchise de BioWare. Le prestigieux studio, qui cumule les faux pas depuis quelques années, nous livre son plus mauvais jeu depuis sa création. Il en aura décidément fait couler de l’encre, ce nouvel épisode de la légendaire saga des Dragon Age. Avec ses couleurs mauves à tout va, ses personnages “non-binaires”, ses dialogues bien-pensants et son character design “innovant”. C’est un fait, le jeu a divisé les foules avant sa sortie. BioWare n’a pas hésité à se mettre à dos une grosse partie de la communauté de fans pour cibler un nouveau public. Un choix audacieux qui s’explique par les difficultés, en 2024, à rentabiliser un jeu triple-A. Mais au-delà de ces explications pour “pourquoi autant de haine ?” pour ce jeu, il y a surtout le parcours atypique du studio… Fondé il y a 29 ans déjà, BioWare est l’un des plus prestigieux studios de développement occidentaux spécialisé dans les jeux de rôle. Il a à son palmarès des classiques du RPG comme Baldur’s Gate, Star Wars: Knights of the old republic, Jade Empire, la trilogie Mass Effect et les Dragon Age, une série de jeux de rôle médiévaux qui a rencontré un joli succès commercial malgré un succès critique “mitigé” – les jeux étaient considérés comme globalement bons par la presse, mais n’ont jamais décroché des notes comparables à d’autres classiques du genre comme The Elder Scrolls. Niveau casting, nous ne sommes pas gâtés. Il y a quelques années, alors que le troisième volet de la série venait d’être annoncé, deux fondateurs du studio ont annoncé leur départ, et d’autres ont suivi. Les choses se sont compliquées ensuite avec l’annulation d’un premier projet “Shadow Realms” en 2014, les départs de la plupart des développeurs de la série Mass Effect, puis une réorganisation majeure chez EA, qui a conduit à la fusion de différentes équipes. Et en 2017, c’est le drame. Le nouveau Mass Effect fait un flop, malgré quelques qualités. Le titre n’est pas à la hauteur des attentes et le studio BioWare est relégué au statut de studio de “support”. Une nouvelle vague de départs s’en suit. En 2020, il ne reste pratiquement plus aucun développeur qui était présent au sein du studio en 2015. Et c’est la différence cruciale qui explique ce changement radical de cap avec Dragon Age: The Veilguard. Tout d’abord, il s’agit d’un management différent, qui suit une direction artistique différente. Ensuite, niveau expérience, la nouvelle équipe n’a pas le niveau des anciens. Il y a d’ailleurs un changement radical de cap qui s’opère en cours de développement (du RPG à l’action-RPG pur), et même un changement de nom du projet. Tout cela nous permet aujourd’hui d’un peu mieux comprendre pourquoi The Veilguard est si différent des précédents opus. Les combats sont souvent très fouillis. Car, très clairement, c’est une cruelle désillusion qui attend les fans dans cet épisode. Le jeu adopte un level-design extrêmement linéaire, un style graphique cartoonesque aux antipodes du style très sombre et mature des premiers volets, un casting qu’on croirait presque tout droit sorti d’une série Netflix, et surtout un gameplay beaucoup plus accessible, axé sur l’action et uniquement l’action. Dragon Age n’est clairement plus un RPG. Certes, il est possible de créer son propre personnage avec un éditeur très complet, celui-ci évoluera au fil de l’aventure avec un gain d’expérience, des compétences à débloquer et un équipement à améliorer. Des éléments typiques des RPG. Mais dans la pratique, on est loin du Dragon Age d’autrefois. Le jeu est beaucoup plus simple d’accès, plus cinématographique aussi (et là il s’agit d’un vrai plus), plus facile aussi et surtout construit de façon beaucoup plus linéaire. Alors certes, Dragon Age, ça n’a jamais été Skyrim. Mais tout de même, là on parle de longs couloirs de 3 ou 4 mètres de large, de combats en arènes et de chemins ultra-balisés, au point qu’on en viendrait presque à se demander si le jeu n’est pas devenu un simple hack & slash avec quelques éléments de RPG. Les quelques combats de boss auxquels vous participerez ne vous marqueront pas… Pad en main, le scepticisme s’empare de nous. La première chose qui nous choque, c’est sa linéarité extrême. The Veilguard essaye de nous faire croire à un open world, mais au mieux, vous pourrez emprunter divers chemins dans des micro mondes ultra-balisés, une fois certaines compétences acquises. Les missions principales vont droit au but : on traverse un niveau en ligne droite en massacrant tout ce qui bouge, et surtout, le level-design est atrocement primaire : aucune surprise à l’horizon, aucune verticalité non plus, peu d’usage des compétences, les mécanismes sont systématiquement les mêmes. En terme de structure, The Veilguard est très mauvais. Et c’est un bien faible mot. Car pour ce qui est de sa quête principale, le titre est court. Comptez 9 à 12h tout au plus. 20h si vous tentez de réaliser les quêtes secondaires – fort peu intéressantes au demeurant. Il y a quelques jolis panoramas à observer. Plus surprenant, sur le plan narratif, le jeu est certes soigné dans sa présentation avec de nombreuses cinématiques joliment mises en scène, mais les dialogues sont souvent très creux au point qu’on finira vite par tous les passer, les embranchements narratifs ne sont pas intéressants, les personnages sont ultra-caricaturaux et ennuyeux au possible, et l’intrigue principale peine à vraiment nous captiver. Le ton mature des anciens opus semble avoir totalement disparu. Même constat pour ce qui est de la direction artistique, avec des coloris mauves à tout va, un character design cartoonesque relativement laid et très peu d’inspiration dans la construction du monde. Le jeu n’est toutefois pas laid, bien au contraire même. Mais pour un jeu triple A, vous vous rendrez vite compte qu’il est loin d’être à la hauteur. Certains éléments du jeu ont été soignés à l’extrême – notamment la modélisation des personnages et certains panoramas, d’autres font carrément tâche, comme les oiseaux qui s’envolent sur le bord d’un lac. Et c’est bien dommage car Dragon Age aurait mérité tellement mieux. C’est bien simple, si vous étiez un fan absolu de la franchise, The Veilguard risque bien d’être l’épisode qui vous fera décrocher pour de bon. Le jeu semble avoir été pensé pour un public ado, et tire un trait – à priori définitif – sur tout ce qui a fait son ADN. Alors bien sûr, les combats restent funs et le jeu propose tout de même quelques combats épiques. De façon générale on s’étonne d’ailleurs que les développeurs n’aient pas transformé Dragon Age en un jeu coop, la formule linéaire de cet épisode s’y prêtait tellement bien, au même titre d’ailleurs que le loot constant… Niveau finition, enfin, il faut bien avouer que cet épisode donne un peu l’impression d’avoir été terminé à la va-vite. L’exemple type c’est ces personnages qui se traversent les uns les autres. Impossible d’être bloqué par un PNJ dans ce titre, ils n’entrent jamais en contact. On évoquera également quelques jolis bugs, deux crashs, et un bug bloquant qui a nécessité de relancer une ancienne sauvegarde… Conclusion Avec The Veilguard, BioWare tire un trait sur tout ce qui a fait le succès de la série Dragon Age. Le jeu de rôle sombre se transforme en un jeu d’action-aventure extrêmement linéaire qui s’adresse à un public très jeune avec son look cartoonesque et son ton adolescent. Le changement de ton est radical. Et en définitive, si les visuels sont plutôt jolis dans l’ensemble et les combats assez joliment mis en scène pour nous tenir en haleine jusqu’au bout de l’aventure, il faut bien avouer qu’on a beaucoup de mal à adhérer à cette nouvelle formule. Le gameplay a été considérablement appauvri, le level-design est atrocement pauvre, le jeu répétitif et surtout le ton, l’univers et le character design n’ont plus rien en commun avec ceux des premiers jeux de la série…