De nombreuses inquiétudes existent quant à la question de la transition vers la voiture électrique qui est censée avoir lieu en 2035 dans toute l’Europe. Mais en dehors des questions propres aux bornes de recharge ou encore aux prix des véhicules, qu’en est-il de l’aspect énergétique ? Toutes choses égales par ailleurs, il semble bien qu’il soit parfaitement possible pour un pays de passer au tout électrique. Et pour preuve, ce pays existe presque : la Norvège. Dans le pays le plus septentrional d’Europe, en effet, les immatriculations de voitures électriques représentaient 90,4% du total en 2023. Mais ce n’est pas parce qu’un pays en particulier peut y parvenir que la situation est reproductible ailleurs. Alors qu’en est-il en Belgique ? « La consommation d’électricité en Belgique augmentera fortement d’ici 2030, poussée par l’électrification du transport et des secteurs résidentiel et industriel » confirme effectivement Neele Scherlinck, attachée de presse du groupe ENGIE pour la Belgique. « Pour répondre à l’augmentation de la consommation, l’offre d’énergie renouvelable doit croître très fortement. Actuellement, la demande d’énergie verte dépasse déjà l’offre locale disponible et elle ne fera qu’augmenter dans les années à venir. » « En tant que l’un des plus importants producteurs d’énergie renouvelable en Belgique, ENGIE vise à contribuer à réduire l’écart entre l’offre et la demande et continuer à investir sans relâche dans des projets d’énergie éolienne et solaire à grande échelle. Nous voulons ainsi contribuer à réduire les émissions de CO₂ et conduire plus rapidement la Belgique vers un avenir à faible émission de carbone. » Voilà ce que dit ENGIE. Penchons-nous cependant les chiffres pour avoir une idée du défi à relever. En 2023, le parc de véhicules pour la Belgique était de 6 030 700 voitures. Et parmi celles-ci, 138 000 électriques, soit à peine plus de deux pour cent. C’est certes encore peu, mais ce pourcentage est en évolution très rapide, puisqu’il a doublé en 2023, comme l’expliquait au mois de septembre un article de l’Écho. Cependant, il ne faudrait pas pour autant croire que la transition au tout électrique serait nécessairement la réalité pour 2035. Pour rappel, comme le titrait en décembre la RTBF, les véhicules thermiques seront toujours de la partie, à condition qu’il roulent avec du carburant neutre en CO2. Une estimation faite par le secrétaire général Energia Wim de Wulf et citée dans l’article avance par ailleurs que 67% des véhicules seront toujours thermiques en 2035. Reste encore un chiffre à déterminer : combien de véhicules, en tout et pour tout, y aura-t-il en Belgique en 2035 ? Car le chiffre actuel n’est pas nécessairement représentatif de la réalité dans dix ans. Il vaut mieux éviter d’extrapoler les tendances, mais pour l’exercice, il faut savoir qu’en 2022, le parc automobile belge avait augmenté de 0,5%, si l’on en croit le rapport annuel 2022 de la FEBIAC. En 2023, toutefois, la croissance semble beaucoup plus faible, de l’ordre d’1,37%. Pour bien faire, imaginons un scénario avec une augmentation de 5%. Cela nous fait 6332235 véhicules. Si l’on retient seulement 43% de cet hypothétique parc automobile de 2035, alors on arrive à 2722861 véhicules électriques. Maintenant, une autre question : combien d’électricité consomme une voiture électrique. Ce chiffre sera lui aussi sûrement amené à évoluer, avec l’évolution de la technologie. Mais pour notre calcul, considérons une voiture de 2024. S’il n’existe pas véritablement de chiffre pour la consommation moyenne de toutes les voitures électriques de Belgique, le site Electric-Star.be estime que la consommation annuelle d’une voiture électrique, en Belgique, doublerait presque la consommation en électricité d’un ménage. Celle-ci est en ce moment de 3500 kwh, mais pour une voiture électrique, considérons plutôt un chiffre un peu moins élevé de 3100 kwh (probablement excessif). On en arrive donc au chiffre exorbitant de 8440869100 kwh. Mais il faut relativiser : cela représenterait approximativement 10% de la consommation actuelle d’électricité dans le pays. Un chiffre certes non négligeable, mais pas nécessairement effrayant à première vue. Imaginons maintenant, plus pour l’exercice que pour autre chose, un scénario extrême où l’intégralité du parc automobile deviendrait électrique. Cela représenterait environ 23% de la consommation nationale d’électricité actuelle. Certes un bien plus grand challenge, mais pas aussi énorme que ce que l’on pourrait imaginer. Mais c’est sans compter sur l’évolution de la consommation d’électricité en général (pas nécessairement un gros problème : la consommation annuelle par ménage semble en effet légèrement diminuer depuis plusieurs années, ou au minimum se stabiliser) et l’arrivée des énergies renouvelables dans le mix énergétique. Neele Scherlinck note ainsi que : « L’augmentation de la production d’énergie renouvelable est une évolution positive, mais elle présente aussi un défi : les fluctuations du système énergétique lorsque, par exemple, il n’y a pas de soleil ou de vent. Pour faire face à ces moments de faible production, il est nécessaire de disposer d’une capacité flexible supplémentaire qui peut être rapidement activée et désactivée. » Toujours selon la représentante ENGIE, les propriétaires de voitures électriques devront idéalement optimiser leurs habitudes afin de tenir compte de la situation climatique. « En 2030, plus de 2 millions de voitures électriques circuleront en Belgique. Cela représente un énorme potentiel de flexibilité, car elles peuvent être chargées et déchargées de manière flexible en fonction de l’offre d’énergie disponible sur le réseau. Ensemble, elles peuvent en quelque sorte former une grande centrale électrique de 1 GW. » Bien entendu, il convient toutefois de ne pas généraliser la situation belge à toute l’Europe. Il est clair que certains pays vont avoir plus ou moins de mal à effectuer la transition. Et dans la mesure où celle-ci devrait s’effectuer à l’échelle européenne, la situation d’autres états membres de l’UE pourrait bien avoir un effet sur celle de la Belgique. Il y a en effet beaucoup d’inconnues dans ce calcul, et 2035 reste encore trop lointain pour pouvoir prédire la situation avec précision. Alors, quelle est la conclusion à tout cela ? Vous l’aurez remarqué, on reste ici fortement dans de l’hypothétique. Néanmoins, du point de vue de la consommation énergétique, les choses semblent plutôt rassurantes. Et ce n’est pas nécessairement sur cet aspect qu’il y a le plus de craintes quant à le passage au tout électrique. D’autres problématiques, comme la « pénurie de bornes de recharges » semblent en effet déjà mettre à mal la « transition écologique » du parc automobile.