Crédit photo : Nintendo

L’étonnante histoire des cartes à jouer (parfois sulfureuses) de Nintendo

Nintendo est la plus vieille entreprise du jeu vidéo, et de loin ! Elle a en effet été créée en 1889 et à l’époque, elle faisait des cartes à jouer. Mais comment une entreprise de carte de jeux devient le studio le plus important du jeu vidéo ?

Le Japon est un pays qui est resté pendant très longtemps fermé à l’étranger. C’est ainsi que dès le XVIIe siècle et pendant bien longtemps, on y interdit les cartes à jouer à l’occidentale. Une interdiction qui va, bien paradoxalement, faire naître une industrie des cartes particulièrement florissante dans l’archipel.

Florissante, le mot est le bon, car le jeu purement japonais qui va être créé à cause de cette interdiction, c’est le Hanafuda : le jeu des fleurs. De nombreux faiseurs de cartes, ou cartiers, vont ainsi apparaître au japon au cours des siècles suivants, ce qui va mener en 1889 à la création de Nintendo par Fusajirō Yamauchi. À l’époque, Nintendo n’est qu’une petite entreprise artisanale.

Mais force est de reconnaître que bien vite, les cartes de Nintendo deviennent très populaires. Il faut bien se rendre compte que les cartes de Hanafuda sont assez personnalisables dans leurs motifs, mais ce n’est pas tout, car Nintendo va persister là où de nombreux cartiers vont devoir renoncer.

Sélection de cartes Nintendo de l’ère Meiji (avant 1912)

En effet, même si les jeux d’argent étaient (et sont toujours) interdits, ils fleurissent en réalité sous l’égide d’une organisation bien connue : les Yakuza. En effet, dans de nombreux établissements secrets, on joue aux Hanafuda pour de l’argent, et ceci fait qu’en général, les cartiers préfèrent en général quitter le business après quelques années afin d’éviter d’être associé au milieu dans l’esprit du public. Mais pas Yamauchi qui persiste et signe. Il faut dire que ce business secret est particulièrement lucratif : dans ce milieu, pour éviter les suspicions de triche, on ouvre un nouveau jeu à presque toutes les parties. Un seul de ces parloirs illégaux peut donc consommer des centaines de cartes en peu de temps.

Ce n’est pas tout : comme les joueurs sont bien souvent des fumeurs invétérés, Yamauchi va s’arranger pour que les cartes Nintendo se trouvent en vente juste à côté des cigarettes. Ce qui va encore plus booster son succès…

Avec la réintroduction des jeux de cartes occidentaux, Yamauchi sait qu’il faut sauter sur l’occasion. C’est pourquoi bien vite, Nintendo va commencer à créer des cartes à jouer « classiques », à l’origine destinées à l’export, mais qui vont bientôt s’étendre dans tout le Japon.

En 1929, Fusajirō Yamauchi va transmettre Nintendo à son genre, Sekiryo Yamauchi (de son vrai nom, Sakiryo Kaneda). Sa présidence est marquée par la période la plus mouvementée de l’histoire du Japon : la Seconde Guerre mondiale. Durant cette période où les cartes à jouer occidentales sont une fois de plus interdites, Nintendo ne va pas particulièrement bien se porter.

En 1949, Sekiryo Yamauchi meurt, et un homme qui va tout changer va se retrouver propulsé à la tête de la compagnie : Hiroshi Yamauchi, petit fils de Sakiryo. Né en 1927, Hiroshi restera à la tête de la compagnie jusqu’en 2002 (et mourra en 2013). Vous le comprenez, c’est lui qui va faire de Nintendo la firme que l’on connaît.

Hiroshi a bien vite du flair. Dans le Japon d’après-guerre, une entreprise américaine vend du rêve à la société meurtrie : la Walt Disney Company. C’est pourquoi en 1959, Hiroshi Yamauchi va passer un contrat avec Disney, et obtenir le droit de représenter les personnages iconiques des dessins animés sur ses cartes à jouer. Ce qui va propulser un peu plus la compagnie et lui permettre d’entrer en bourse vers 1962.

Les cartes Disney de Nintendo (crédit photo : blog.beforemario.com)

Mais le contrat de rêve devient bien vite problématique : on parle en effet d’une entreprise qui, pour rappel, tirait une partie de ses revenus des Yakuza, qui vend ses cartes près des cigarettes, et qui tire pour autant une bonne partie de son succès des personnages pour enfants de Disney.

Une association un peu contre-nature qui va mener à l’échec d’une gamme de cartes érotiques.

Les cartes à jouer pour adultes de Nintendo 

Voulant un peu mieux connaître le marché, Hiroshi va faire un voyage aux États-Unis, et visiter la plus grande usine au monde de cartes à jouer. Déception : celle-ci lui semble affreusement petite. Il se rend alors compte que le marché des cartes à jouer est extrêmement limité, et ne permettra peut-être pas à Nintendo de continuer à grandir. Il va falloir trouver un nouveau business.

Commence alors une période d’expérimentation. Nintendo va tout essayer : du bowling jusqu’aux sulfureux « Love Hotel » : ces hôtels typiquement japonais conçus pour offrir aux couples un peu d’intimité en toute discrétion. Mais rien n’y fait.

Il faudra attendre une rencontre fortuite : en visitant sa propre usine, Hiroshi se rend compte qu’un de ses employés, Gunpei Yokoi, s’amuse avec un bras extensible au bout duquel on trouve une pince. C’est le déclic ! Il confie à Gunpei Yokoi une mission : désormais, chez Nintendo, on fabriquera des jouets.

Et ça marche plutôt bien ! Il faut se rendre compte qu’on est encore dans les années 1960, et qu’à l’époque, les jouets fonctionnant à l’électricité sont encore des nouveautés au Japon, et comme Gunpei Yokoi a un diplôme d’ingénieur, il s’engouffre à fond dans cette brèche.

C’est donc assez logiquement que, quand Yokoi et Yamauchi se rendent compte que l’électronique devient suffisamment abordable pour être intégrée aux jouets, ils sont parmi les premiers à s’y mettre. À l’époque, le jeu vidéo est encore naissant, mais Nintendo va passer un contrat avec Magnavox, entreprise américaine qui s’est elle aussi récemment mise au jeu vidéo, pour obtenir de droit de commercialiser sa console, la Magnavox Odyssey.

Nintendo va aussi tout doucement se mettre aux jeux d’arcade. Hiroshi Yamauchi va à cette époque mettre en avant un employé plein d’idées, mais sans aucune expérience du jeu vidéo : la future légende Shigeru Miyamoto. L’histoire de Nintendo comme studio de jeu était née.

Le jeu de Hanafuda Mario en hommage à l’histoire de la compagnie (Crédit photo : Nintendo)

Hiroshi Yamauchi, sans jamais jouer aux jeux de Nintendo, continue pendant encore des années à avoir du flair : quand on lui explique un concept de jeu, il peut deviner si celui-ci marchera ou pas. Un flair qui va malheureusement commencer à s’épuiser avec l’avancée du monde du jeu vers une nouvelle ère, plus complexe.

C’est pourquoi en 2002, Hiroshi Yamauchi, le dernier représentant de la dynastie, quitte la tête de la compagnie pour laisser sa place à Satoru Iwata. Yamauchi meurt le 19 septembre 2013, fermant définitivement un pan entier de l’histoire de Nintendo.

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