Sans réfléchir, vous avez déjà peut-être partagé une capture d’écran d’une conversation WhatsApp. Très mauvaise idée… La capture d’écran (ou le copier-coller) d’un message ou d’une conversation semble être monnaie courante. Combien de memes ne sont après tout pas conçus sur le format de bulles de messageries ? Et combien de fois n’avez-vous pas vu sur les réseaux sociaux des conversations avec les noms et photos de profils des interlocuteurs cachés et effacés ? Pourtant, la loi belge n’est pas nécessairement tendre avec ce genre de pratique. Tout d’abord parce que la constitution garantit « le secret des lettres », ce qui fait de la Belgique un des rares pays (si ce n’est le seul) qui a inscrit la confidentialité des données dans sa constitution dès le XIXe siècle ! Mais concrètement, qu’est-ce que ça peut vous valoir comme peine ? Il faut bien considérer que si le RGPD (Règlement général sur la protection des données) européen ne porte pas sur la sphère domestique, il est généralement considéré par le droit européen qu’Internet, en tant que « lieu public virtuel » rentre dans le cadre public, et non domestique, et ce même si vous ne partagez la capture d’écran qu’à vos quelques amis Facebook. Donc d’ores et déjà, vous pouvez aisément constater que partager le contenu d’une conversation sur les réseaux sociaux sans le consentement de toutes les parties concernées n’est pas franchement conseillé. Mais qu’en est-il quand on parle d’une conversation privée ? Déjà, il y a l’article 314 bis du code civil. Si celui-ci ne concerne théoriquement pas les captures d’écran mais « l’enregistrement d’une conversation », il s’agit tout de même d’une situation suffisamment adjacente pour qu’on y jette un coup d’œil. Voici ce qu’il dit : « Sera puni d’un emprisonnement de six mois à deux ans et d’une amende de cinq cents euros à vingt mille euros ou d’une de ces peines seulement, quiconque détient, révèle ou divulgue sciemment à une autre personne le contenu de communications ou de télécommunications privées, illégalement écoutées ou enregistrées, ou dont il a pris connaissance illégalement, ou utilise sciemment d’une manière quelconque une information obtenue de cette façon. Sera puni des mêmes peines quiconque, avec une intention frauduleuse ou à dessein de nuire, utilise un enregistrement, légalement effectué, de communications ou de télécommunications privées. » Retenez donc surtout ici « avec une intention frauduleuse ou à dessein de nuire ». Savoir si, oui ou non, une capture d’écran d’une conversation WhatsApp constitue ou non un « enregistrement » est assez technique, mais quoiqu’il en soit, le code civil contient aussi un passage assez clair sur le harcèlement, qui est lui aussi interdit, et dans lequel on peut lire : « Quiconque aura harcelé une personne alors qu’il savait ou aurait dû savoir qu’il affecterait gravement, par ce comportement, la tranquillité de la personne visée, sera puni d’une peine d’emprisonnement de quinze jours à deux ans et d’une amende de cinquante euros à trois cents euros, ou de l’une de ces peines seulement. » Si le partage d’une communication est considéré comme une forme de harcèlement, alors il y a de bonnes chances pour que vous risquiez gros. Mais qu’en est-il si vous cachez l’identité des personnes concernées par la conversation, comme on le voit souvent sur Internet ? Théoriquement, dans ce cas, les lois propres au harcèlement ne s’appliquent plus. Dans certains pays, la réponse serait donc assez claire : si vous dissimulez le nom des personnes concernées, vous êtes libres de faire tout ce que vous voulez. Dans d’autres, comme la France, c’est au contraire puni définitivement. Pour la Belgique, c’est assez difficile à juger. On considérait pendant longtemps qu’il n’existait en Belgique aucune loi interdisant l’enregistrement d’une conversation. Vous vous en doutez, ce n’est plus nécessairement vrai depuis la Loi du 30 juillet 2018 relative à la protection des personnes physiques à l’égard des traitements de données à caractère personnel. Celle-ci inclut en effet désormais la notion d’enregistrement de conversation, et de « traitement » de données au sens large. Cette loi ratisse suffisamment large pour qu’on puisse sans trop de risque considérer qu’elle s’applique aussi aux captures d’écran et au copier-coller. Pour l’anonymisation, donc, c’est assez compliqué, car si la loi parle bien de l’anonymisation des données, elle n’en parle que pour ce qui concerne le « traitement de données à caractère personnel à des fins historiques, scientifiques ou statistiques » et ne semble donc rien stipuler sur un cas de figure comme le partage sur les réseaux sociaux. Voilà qui ne nous simplifie pas la tâche… Dans ce genre de situation un peu floue, mieux vaut brasser large. Nous savons déjà que la constitution belge protège « le secret des lettres ». Même sans partager l’identité de l’envoyeur, on partage toujours théoriquement le contenu « secret » de la conversation. Mieux vaut donc considérer que, même en anonymisant, partager une capture d’écran d’une conversation avec quelqu’un reste théoriquement interdit…