Suite spirituelle de Suikoden, Eiyuden Chronicle se veut « conçu pour offrir au joueur une vision moderne de l’expérience d’un JRPG classique ». Si le côté classique se ressent bien, le côté moderne, en revanche… C’est dans les années 80 que naît le RPG, qui se veut à l’époque une transposition d’un passe-temps encore jeune : le jeu de rôle sur table, dont le représentant le plus connu est Donjons et Dragons… C’est aux USA qu’apparaissent les tous premiers RPG comme Ultima. Mais assez vite, les éditeurs japonais veulent aussi créer des RPG, et c’est ainsi que sort Dragon Quest en 1986. À l’origine, il n’existe donc qu’un seul genre : le RPG. Toutefois, les traditions japonaises et occidentales vont bientôt diverger. En effet, les limitations techniques vont pousser les développeurs à faire des choix. Chez les occidentaux, on privilégiera la liberté du joueur, quitte à sacrifier une certaine profondeur narrative (ce n’est plus nécessairement le cas de nos jours), donnant ainsi naissance au genre du WRPG. Au Japon, en revanche, on va privilégier le fait de raconter une histoire, donnant ainsi naissance au JRPG. Qui plus est, des années d’évolution n’ont fait que faire diverger les codes créant deux genres extrêmement distincts. Un RPG classique en 2,5D Parmi les JRPGs, il y avait une franchise de six jeux sortis entre 1995 et 2006 : Suikoden. Des jeux qui faisaient la part belle aux intrigues politiques, et dans lesquels on pouvait recruter BEAUCOUP de personnages (108, en hommage au roman chinois Au bord de l’eau) ! Peu avant la sortie de Suikoden III, Yoshitaka Murayama, créateur de la franchise, quitta l’éditeur Konami. Mais en 2020, bien après la sortie du dernier Suikoden, Murayama fit part de l’idée de créer une suite spirituelle à Suikoden : Eiyuden Chronicle. Un jeu qui doit sortir le 23 avril de cette année. Sortie que Murayama ne verra malheureusement pas, étant décédé tout près du but, le 6 février de cette année, à l’âge de 55 ans. Nous avons eu l’occasion de jouer aux premières heures de Eiyuden Chronicle en avance. Voici nos impressions. On peut faire jouer le jeu en mode automatique, mais quel intérêt ? Eiyuden Chronicle est un JRPG dans la plus pure tradition, et dans laquelle on reconnaît bien les mécaniques de Suikoden, qui sont reprises telles quelles : équipe de six personnages, choix des actions avant le début des tours de combats, etc. Car si le jeu se veut être une réinterprétation moderne des vieux JRPGs, la seule chose de vraiment moderne sur Eiyuden Chronicle, ce sont les graphismes… Sur le plan visuel, en effet, on est assez positivement impressionné par les visuels en « 2,5D » avec des personnages à l’esthétique rétro légèrement pixélisées évoluant dans des environnements en 3D parfois très mignons qui ne sont pas sans rappeler le style visuel du remake de Link’s Awakening sur Switch (mais en moins « enfantin »). Un effet « maquette » plutôt sympathique. Un seul (mais très gros) défaut sur le plan visuel : un gimmick de tremblement qui apparaît où la bulle de parole d’un personnage sautille énergiquement d’un bout à l’autre de l’écran quand un personnage veut crier. Impossible de lire le texte sans s’esquinter les yeux… Pour le reste, le fan de JRPG ne se sentira pas perdu ni dérouté par Eiyuden : tout y est « comme à la maison » pour ainsi dire. Ce qui n’est pas nécessairement une mauvaise chose : une formule perfectionnée, c’est par exemple la force d’une franchise comme Dragon Quest, et c’est aussi un peu le cas ici. Vous contrôlez donc une équipe de six personnages (même s’il existe apparemment la possibilité d’ajouter trois personnages « de soutien », que l’on peut probablement échanger avec ceux tombé à 0PV) et les combats se veulent utiliser une formule classique : tour par tour, et on choisit les actions de tous les personnages avant le début de chaque tour. Les personnages disposent tous d’une « lentille runique ». Un élément de Worldbuilding qui est surtout un gros aspect du gameplay : la « lentille runique », ce sont les actions « spéciales » du personnage, et celles-ci demandent des « SP » (« Skill Point » probablement…) pour fonctionner. Ces « SP » se renouvèlent à chaque tour, mais selon une logique qui n’est pas très claire pour le joueur. Sur certains tours, vous pourrez donc utiliser votre « lentille runique », mais pas sur d’autres… Et attention : si votre action de « lentille runique » utilise de la magie, alors vous perdrez aussi des points de magie en plus de vos SP. Des donjons high-tech dans un univers de Fantasy médiévale : on est bien dans un JRPG Un gameplay simple, efficace et traditionnel, donc, qui saura plaire aux amateurs de JRPGs… Comme on le disait plus haut, beaucoup des éléments de design des JRPGs sont des reliques historiques des limitations techniques des années 1990. Mais si beaucoup de ces éléments sont devenus partie intégrante du charme et du design des JRPGs, d’autres auraient peut-être pu être abandonnés. C’est le cas des points de sauvegarde. Car comme tous les vieux JRPGs, mais aussi comme certains des plus récents (Dragon Quest XI, par exemple), Eiyuden vous demande de sauvegarder à des points spécifiques. Mais qui plus est, il ne contient pas non plus de sauvegarde automatique. On peut certes voir cela comme un choix de design, qui vous force à la prudence et rajoute un certain défi pour le joueur. Mais en réalité, c’est surtout un handicap quand on sait que la plupart des joueurs (surtout ceux qui joueront à un jeu rétro comme Eiyuden Chronicle) sont des adultes avec des vies et des obligations propres. L’impossibilité de sauvegarder, et donc d’interrompre, sa partie au moment de son choix peut donc même dissuader de commencer à jouer. Et c’est pourquoi des franchises comme Final Fantasy ont fait l’impasse sur ce système de sauvegarde depuis des années déjà. Heureusement, nous avons pu constater que les points de sauvegarde chez Eiyuden sont plutôt nombreux, mais il existe tout de même quelque « trous ». Il est par exemple difficile de sauvegarder dans les villes… Parlons ensuite du scénario : tout commence dans un univers de Fantasy assez classique à première vue, quand des membres de « la Garde », dont le petit nouveau, Nowa, sont envoyés explorer un « Tumulus Runique » un peu high-tech, accompagné de quelques soldats de l’« Empire ». Car comme Suikoden, Eiyuden fait la part belle aux intrigues politiques. Ici le constate-t-on avec la confrontation entre deux puissances politiques antagonistes : « l’Empire » et « la Ligue », qui viennent de signer une paix probablement très fragile… Le seul défaut que l’on peut peut-être constater à ce niveau, de ce que l’on a pu jouer, c’est que l’histoire ne décolle pas aussi vite que cela. Si après une ou deux heures de jeu, on commence à apercevoir une intrigue qui pourra potentiellement nous tenir en haleine, il faut arriver à la fin de l’exploration du « Tumulus Runique » pour cela. C’est aussi à ce moment seulement que l’on commence à s’attacher à quelques personnages de notre équipe, car être introduit à six personnages d’un coup peut-être un peu rude. C’est un petit problème car le genre du JRPG est avant tout un genre narratif. Le jeu a donc tout intérêt à donner envie de connaître la suite de l’histoire à ses joueurs dès le début. C’est fort heureusement corrigé dès la fin de ce « prologue »… Parlons enfin de la bande-son : les JRPGs nous ont habitué à avoir d’excellentes musiques, et Eiyuden Chronicle ne semble pas faire exception ! Il y a quelque chose d’un peu celtique dans cet OST qui sait créer son ambiance, particulièrement lors des combats. Une ambiance très « fantasy médiévale » comme on les aime… En conclusion, Eiyuden Chronicle semble être un bon petit JRPG très sympa, mais très classique. Il ne réinvente pas la roue, et la joue très « safe ». Mais c’est probablement ça qui plaira aux fans du genre, surtout les nostalgiques…