La cybercondrie, c’est quand l’hypocondrie rencontre les sites médicaux comme Doctissimo, et que le moindre symptôme devient le signe d’une maladie grave. Il ne faut pas trop se moquer des malades imaginaires. En effet, même si la maladie n’est pas réelle, la souffrance, quant à elle, l’est bien souvent pour les hypocondriaques. La crainte d’une maladie se transforme assez régulièrement en troubles somatoformes, dus à l’anxiété, qui imitent à la perfection de véritables symptômes pas franchement rassurants. Cela crée dès lors un cercle vicieux (l’anxiété étant à l’origine de réels symptômes qui ne font qu’augmenter le stress). Et ce n’est pas tout, car on estime qu’entre 5 et 10% de la population souffre de ce trouble à un niveau plus ou moins fort. Alors, quand les sites médicaux viennent s’ajouter à ce problème, cela devient carrément un problème de société… Comme l’expliquait ainsi en 2021 un article de la RTBF (qui se basait lui-même sur une étude réalisée en 2019), près d’un Belge sur trois réalisait au moment de l’étude son propre diagnostic en ligne avant de se rendre chez le médecin. Un chiffre que l’on peut imaginer encore enflé depuis la pandémie de Covid-19 qui était une période propice à la désinformation sanitaire. La tendance est tout naturellement de se fier au premier résultat de recherche, mais ce n’est pas tout. Car même quand celui-ci est techniquement exact, il tend souvent à lister une série de causes potentielles, pas nécessairement exhaustive (après tout, « ça peut aussi ne pas avoir de cause » est un message assez peu intéressant à écrire) mais qui inclut en général des cas extrêmes. Un mal de gorge ? Ça pourrait être un simple rhume… ou un cancer de la gorge, car sur les sites en ligne, deux causes potentielles seront traitées avec la même importance, et ce quand bien même la probabilité en est très différente. À cela, il faut ajouter un biais naturel de négativité de l’être humain, qui tend tout naturellement à envisager le pire (une stratégie viable de survie dans la nature), et ce sera tout naturellement vers l’hypothèse du pire que nombre d’internautes se tourneront. Paradoxalement, les sites qui sont eux-mêmes généralement responsables de la cybercondrie, comme Passeport Santé ou Doctissimo, tendent désormais eux-mêmes à inclure des pages sur le mal en question. Bien évidemment, tout le monde n’est pas logé à la même enseigne. Ainsi, une étude d’Eurostat réalisée en 2021, qui montre que la moitié des européens effectuent des recherches médicales en ligne, tend à relativiser le lien qui existe entre ces résultats de recherche et un impact négatif sur la santé mentale. Ce seraient donc surtout ceux qui ont déjà un penchant naturel à l’hypocondrie qui vont naturellement avoir tendance à développer une cybercondrie. Alors que faire si vous souffrez de cybercondrie (et d’hypocondrie en général) ? Tout d’abord, soyons bien clair : aucun conseil généraliste que l’on puisse donner ne remplacera jamais l’avis d’un psychologue ou d’un psychiatre, surtout si l’hypocondrie est cause d’une réelle souffrance. Mais pour éviter de tomber dans la parano, il y a bien sûr deux grands conseils à suivre : bien évidemment ne pas googler ses symptômes (plus facile à dire qu’à faire quand l’angoisse vous taraude), et faire confiance à l’avis de votre médecin en ce qui concerne votre santé (en tout cas plus qu’aux blogs médicaux). Si Internet est en effet rempli d’histoires de cancers passés inaperçus jusqu’au stade terminal, il ne faut pas oublier qu’une bonne partie du web est composé de contenus volontairement sensationnalistes qui surestiment en général les probabilités à l’extrême. Le cerveau humain ayant du mal à concevoir les pourcentages extrêmement bas, il tend naturellement à exagérer mentalement les risques que quelque chose se produise. C’est un tel phénomène qui se manifeste de même dans la phobie de l’avion. Si votre médecin pense que ce n’est rien de grave, il y a toutes les chances qu’il ait raison.