En 2012, le neuroscientifique allemand Manfred Spitzer inventa la notion de « démence numérique » afin de désigner la dégénérescence cognitive liée au fait de passer trop de temps devant les écrans. Mais il faut relativiser… Si en français, dans le langage courant, on emploie assez peu le terme de « démence » pour désigner les dégénérescences cognitives telles qu’Alzheimer ou Parkinson, c’est pourtant bien là le terme exact. Et c’est ce sens que Manfred Spitzer a voulu évoquer en créant le concept de « démence numérique » en 2012, un terme certes peut-être un peu hyperbolique, pour désigner la baisse des capacités cognitives liée aux écrans. De prime abord il faut déjà le dire : la notion de « démence numérique » n’est pas une notion médicale ni scientifique. Mais elle désigne des phénomènes bien réels qui peuvent effectivement avoir lieu si l’on passe trop de temps devant les écrans : Des problèmes de mémoire à court terme Perdre plus facilement des objets et oublier plus facilement des choses Avoir de la difficulté à se rappeler des mots Avoir du mal à faire plusieurs choses à la fois Des symptômes qui sont effectivement également ceux que l’on retrouve dans plusieurs cas de démence, comme l’explique le magazine Healthline, qui cite par ailleurs trois études : une de 2022 sur l’impact des comportements sédentaires sur les risques de démence, une de 2023 sur les effets négatifs des écrans sur le développement des enfants et des adolescents, et une autre, toujours de 2023 qui s’intéresse à l’impact des écrans sur les risques de démences. La première nous offre un résultat contrasté : les activités sédentaires « passives » tels que regarder la télévision, augmenteraient effectivement les risques de démence, cependant les activités sédentaires mais cognitivement « actives », comme l’utilisation d’un ordinateur, réduiraient au contraire les risques. La deuxième nous enseigne qu’effectivement, un temps d’écran trop prolongé pour les plus jeunes a effectivement un effet néfaste sur le développement cognitif (ce qui a effectivement été prouvé dans de nombreuses autres études). Et la troisième semble démontrer qu’au-delà de quatre heures par jour d’utilisation d’écrans, la démence nous guette effectivement… Oui mais voilà : s’il est facile de nous expliquer qu’un temps passé devant les écrans augmente les risques de démence, ce qui est vraiment important est d’en connaître la raison. Car après tout, tous les usages des écrans ne se valent pas, comme l’avaient d’ailleurs montré la première étude. Au contraire, toujours en 2023, une autre étude relatée par le magazine américain Psypost nous laissait à voir un résultat contradictoire : les personnes âgées qui utilisent régulièrement Internet verraient au contraire leurs capacités cognitives préservées… Et c’est sans citer les impacts positifs, maintes fois prouvés, des jeux vidéos sur notre santé cognitive, comme par exemple dans cette étude de 2020. Des impacts positifs similaires à ceux d’autres activités cognitives telles que les mots croisés. Quoique de manière aussi assez intéressante, en ce qui concerne les mots croisés, certaines études semblaient au contraire démontrer qu’ils augmenteraient plutôt les risques de démence, comme en parlait en 2010 le site Passeport Santé. Plutôt confus, n’est-ce pas ? En réalité, il faut bien admettre une réalité plutôt décevante : le temps de la recherche est bien plus long que le temps médiatique. La connaissance de la maladie d’Alzheimer et des autres risque de démences a certes progressé, mais est loin d’être suffisante. Les études individuelles ne suffisent pas à avancer une affirmation définitive, et peuvent facilement être détruites par les résultats parfaitement contradictoires d’une autre… Et c’est sans oublier que corrélation ne veut pas dire causation : le fait de beaucoup utiliser des écrans et le risque de démence peuvent avoir une cause commune comme la solitude, qui est une des grosses causes d’Alzheimer. Si les écrans augmentent bien les risques de démences, ou en tout cas, s’ils ont bien un impact sur nos capacités cognitives, il semble en tout cas que certains coupables soient les plus souvent avancés : la passivité, un encouragement à la paresse cognitive, un défaut d’encodage, et un impact sur le sommeil. Des impacts sur lesquels il est plutôt facile d’agir. Tout d’abord, sur la passivité : comme la première étude citée par Healthline le prouve, regarder trop longtemps la télévision aurait par exemple un impact plus négatif que de regarder l’ordinateur. Privilégiez des activités qui demandent votre pleine participation à des activités qui ne font de vous que de simples spectateurs. Si cela est vrai pour nos écrans, c’est aussi valable pour d’autres types d’activités. Sur l’encouragement à la paresse cognitive, ensuite. Si ce point est différent du précédent, c’est parce qu’il désigne quelque chose d’adjacent, mais de bien distinct. Ce point concerne avant tout le fait de remplacer des fonctions entières de notre cerveau par la machine. C’est par exemple ça que l’on fait quand, au lieu d’essayer de se rappeler quelque chose, on va rechercher la réponse sur Google, remplaçant ainsi la mémoire par le moteur de recherche. Évitez donc de vous reposer sur les technologies comme une béquille mentale. Si vous devez effectuer un calcul, ne sortez pas trop vite la calculatrice, et si vous devez vous souvenir d’une information, essayez plutôt d’y penser à deux fois avant de la chercher sur Google. En jouant aux jeux vidéo, si vous tombez sur une impasse, creusez-vous les méninges avant d’aller chercher la solution sur Internet… Mais attention, car certains scientifiques considèrent cette idée plutôt comme une idée reçue, car l’être humain a de tout temps utilisé des supports pour accompagner sa mémoire. Il ne faut donc pas tomber dans l’excès inverse. L’encodage est un phénomène plus prouvé scientifiquement. Avez-vous déjà entendu la phrase : ” les jeunes ne savent plus s’ennuyer” ? Eh bien il y a un peu de vérité là dedans. En effet, le cerveau humain a besoin de temps de repos pour encoder l’information dans la mémoire à long terme. C’est pourquoi les moments d’ennuis ou de rêveries sont très importants, car ce sont à ces moments que le cerveau répète ce qu’il vient d’apprendre… Finalement, l’impact sur le sommeil. Sans aucun doute le plus certain de tous. Entre les écrans et le travail, il est parfois difficile de faire des nuits complètes. Alors pensez à interrompre les écrans une heure ou deux avant de vous coucher, et assurez-vous de vous endormir à une heure décente afin de disposer de tout le sommeil nécessaire. Car le manque de sommeil est une cause certaine d’Alzheimer et de démence en général. Enfin, rappelez-vous qu’un esprit sain dans un corps sain. Si les activités cognitives actives sont bonnes pour le cerveau, elles ne sont rien sans les activités physiques. Alors sortez, marchez ou faites du sport !