Des entreprises proposent de reproduire numériquement des personnes décédées. Un couple a eu recours à l’une de ces entreprises afin de ”redonner vie” à leur fils mort à 22 ans. Ce type de pratique soulève d’innombrables questions éthiques et morales. Comme le rapporte BFMTV, la vie de Saekoo et sa femme s’est retrouvée bouleversée lorsque leur fils, Xuanmo, a perdu la vie à 22 ans à la suite d’un AVC. Le jeune homme, sportif, étudiait la finance et la comptabilité à l’université d’Exeter (Royaume-Uni) et menait « une vie bien remplie », selon son père. Dès lors, la disparition de Xuanmo a laissé un vide incommensurable dans la vie de ses parents. Le sort du jeune homme était inacceptable et le deuil impossible. Saekoo et sa femme se sont alors tournés vers la technologie pour alléger leur chagrin. En effet, ils ont contacté une entreprise chinoise spécialisée dans la création d’avatars numériques afin de ”retrouver” leur fils. Il leur a simplement fallu fournir des photos, des vidéos et des enregistrements audios de Xuanmo. En une vingtaine de jours, l’entreprise chinoise a ainsi créé une version numérique de Xuanmo tout en réussissant plus ou moins à reproduire sa voix. Ce double numérique de Xuanmo s’est adressé à son père et lui a expliqué avec une voix quelque peu robotique : « Je sais que tu souffres beaucoup, chaque jour, à cause de moi, et que tu te sens coupable et impuissant. Même si je ne pourrai plus jamais être à tes côtés, mon esprit est toujours dans ce monde et t’accompagne dans la vie ». Mais l’expérimentation ne s’arrête pas là. Le père de Xuanmo a rassemblé une multitude d’informations sur son fils afin que l’entreprise les intègre au double numérique. Ainsi, les algorithmes pourront affiner la reproduction numérique de Xuanmo, notamment en ce qui concerne sa façon de parler et de raisonner. À terme, Saekoo voudrait retrouver son fils, non pas au paradis, mais dans le métavers. Le père endeuillé annonce ainsi : « Un jour, mon fils, nous nous retrouverons tous dans le métavers. La technologie s’améliore de jour en jour (…) ce n’est qu’une question de temps ». Un marché en expansion, malgré des problèmes éthiques En Chine, les entreprises qui proposent de reproduire numériquement une personne décédée se sont multipliées. Aux États-Unis, ce marché commence également à fleurir. Super Brain, l’entreprise chinoise qui s’est occupée de reproduire le fils de Saekoo, demande entre 1.300 à 2.600 euros pour créer un avatar numérique basique en une vingtaine de jours. Une vidéo d’une trentaine de secondes peut suffire à la création d’un double numérique. Par ailleurs, d’autres services similaires sont proposés. Il est ainsi possible de discuter avec un employé qui revêt numériquement le visage et la voix d’une personne défunte. Par ailleurs, les services proposés ne concernent pas seulement la mort. Certains demandent de reproduire numériquement un conjoint ou une conjointe avec qui la relation s’est terminée, tandis que d’autres reproduisent numériquement une personne qui est peu présente dans leur vie. Bien entendu, les questions éthiques et morales sont multiples concernant ce type de pratique. La personne décédée aurait-elle donné son accord ? Dans quelle mesure un double numérique représente-t-il la personne décédée ? La technologie ne risque-t-elle pas de faire tenir au défunt des propos qu’il n’aurait jamais tenus ? Les questions qu’une telle pratique entraine sont légion. De son côté, Zhang Zewei, le dirigeant de Super Brain, assure ne pas accepter les demandes de personnes qui présentent une trop grande détresse psychologique et précise : « tant qu’on aide ceux qui en ont besoin, je ne vois pas le problème ». Sima Huapeng, le directeur de l’entreprise Silicon Intelligence, estime quant à lui que les services proposés par son entreprise s’apparentent à la photographie ou au portrait, deux moyens utilisés par les personnes endeuillées pour se souvenir d’un proche disparu. Dans tous les cas, les reproductions numériques de personnes décédées soulèvent une multitude de questions, dont une majeure : ce type de technologie ne serait-elle pas en fin de compte une entrave au processus de deuil ?