Petite fierté nationale belge, le jeu Baldur’s Gate 3 a pourtant été principalement conçu à l’étranger. Mais qu’en est-il de la qualité de cet impressionnant Divinity: Original Sin à la sauce D&D ? Baldur’s Gate 3 est un jeu terriblement mal nommé… En tout cas, c’est ce qu’on dit. Si vous connaissez un peu le monde du CRPG, alors vous saurez que ce nouveau jeu ne se joue pas comme un Baldur’s Gate du tout, mais plus comme Divinity: Original Sin, avec quelques éléments de Dragon Age. Mais peut-on vraiment blâmer Larian ? Après tout, la formule des deux premiers jeux est typique des années 1990, et il est difficile de dire ce à quoi elle devrait ressembler de nos jours. Mais assez parlé des premiers opus d’une franchise qui a été mise en pause pendant 23 ans. Car oui, c’est vrai, Baldur’s Gate 3 n’a aucun rapport, ou presque, avec ceux-ci. Alors autant en parler comme d’une nouvelle expérience à part entière. On peut enfin combattre un Tyrannœil en 4K ! (mais toujours au tour par tour) Il y a quelques semaines encore, en effet, on ne parlait pas beaucoup de Baldur’s Gate 3. Certes, il était en accès anticipé depuis octobre 2020 et il avait eu droit à une apparition dans le Summer Game Fest, mais ça s’arrêtait là. Et puis, quelques jours avant sa sortie définitive, quelque chose s’est passé. Une explosion. Et voici qu’un jeu appartenant à un genre de niche s’il en est se trouve être le jeu le mieux noté de l’année sur Metacritic (Au moment d’écrire ces lignes, avec 20 critiques. Il est évident qu’il va un peu baisser par après.) et que beaucoup y voient le jeu de l’année, à égalité avec des adversaires de taille tels que Tears of the Kingdom ou Starfield. Alors est-ce que la hype est méritée ? En un mot : oui. Tout d’abord, Baldur’s Gate 3 impressionne par sa taille. Comment en effet ne pas être en admiration devant un jeu qui laisse à ses joueurs la possibilité de faire l’expérience de 17.000 variations de fin différentes (et plus d’une dizaine de véritables fins différentes) ? Sur un jeu dont les dialogues contiennent près de deux millions de mots (soit davantage qu’à la recherche du temps perdu de Marcel Proust) ? Car Baldur’s Gate 3 est un RPG, un vrai : un jeu ou les choix que vous prenez vont complètement redéfinir l’histoire que vous vivez, et où il ne sera pas possible, à moins de le faire exprès, de vivre deux fois le même récit. Face à un tel arbre de possibilités, même un Mass Effect ne peut que s’incliner. Mais de quoi ce Baldur’s Gate 3 parle-t-il ? Si c’est bien sûr impossible de résumer une histoire aussi polymorphe, le début est toujours le même : dans l’univers des Royaumes Oubliés, votre personnage est capturé par des Flagelleurs Mentaux (des créatures psioniques au faciès de Cthulhu), et se fait infecter par un parasite. Avec une équipe de compagnons que vous récoltez au bord de la route, votre but, en tout cas au début, est de se débarrasser du parasite avant de vous transformer vous-même en Flagelleur Mental. Sauf que nous venons de vous résumer les premières minutes d’un jeu qui dure en moyenne 75 heures. Inutile de dire qu’une fois que vous aurez fini ce mastodonte (si vous tenez le coup), le petit parasite des débuts sera loin d’être votre principale préoccupation. Ce que le studio gantois vous propose est en réalité une expérience que beaucoup de gens vivent depuis déjà des années : une campagne de Donjons et Dragons, avec de magnifiques graphismes en plus. Si vous connaissez D&D, alors, vous savez déjà comment jouer à Baldur’s Gate 3 (les règles sont identiques) et ce jeu est sans aucun doute fait pour vous. Sinon, ça pourrait être une belle introduction à ce passe-temps. Mais il faut reconnaître que pour certains, il sera un peu plus difficile de rentrer dans le jeu. Car oui, Baldur’s Gate 3 est bien un CRPG avec des combats au tour par tour et des jets de dés pour réaliser pas mal d’actions. Si on se fait très vite à cette deuxième partie, l’aspect « tour par tour » n’est pas apprécié par tout le monde, d’autant plus qu’il s’agit d’abord et avant tout d’élaborer des stratégies parfois complexes. Mais fort heureusement, Larian a pensé à tout en vous proposant un mode narratif. Dans celui-ci, les combats passeront très facilement, et vous n’aurez qu’à profiter de l’histoire, ou plutôt des histoires. Car il serait vraiment dommage de passer à côté de Baldur’s Gate 3. Alors comment se déroule une partie de Baldur’s Gate 3 ? Après avoir créé un personnage dont vous pourrez tout personnaliser (tout le monde est déjà plus ou moins au courant d’un gimmick qui tient plus de la blague de développeur que d’autre chose : on peut même choisir les organes génitaux de celui-ci, comme dans Cyberpunk), on est plongé dans l’aventure « in media res ». Que vous créiez un féroce guerrier drakéide ou un elfe gracieux, vous pourrez tout personnaliser, vraiment tout. Armé de sa souris (le clavier est plus qu’inutile) ou d’une manette (mais tout de même, la souris est préférable), on explore la carte, découpées en différentes zones, à la recherche de personnages à qui parler, de compagnons à recruter, ou d’ennemis à combattre. Si Baldur’s Gate 3 n’est théoriquement pas un open-world, il en a les caractéristiques : les différentes zones sont effets tellement immenses qu’elles pourraient chacune faire office de mondes ouverts en elles-mêmes (encore une fois, le gigantisme de ce jeu se manifeste dans tous ses aspects). Pourtant, le jeu ne présente pas les défauts classiques des mondes ouverts : on ne s’ennuie pas, le monde est loin d’être vide, et le(s) scénario(s) fini(ssen)t toujours par nous retrouver, que ce soit par des péripéties croisées sur le bord de la route ou par les personnages. Car jamais Baldur’s Gate 3 ne vous demandera de faire des quêtes basiques comme « récolter des champignons » ou « tuer les rats dans la cave ». Tout ce que vous faites dans ce jeu a un sens narratif, et vous avez à chaque instant à faire à des histoires mettant en scènes des personnages très humains (même si ce sont parfois des elfes ou des gobelins) avec une grande qualité d’écriture. Un coup de maître d’autant plus fort que l’histoire est complètement soumise à vos choix. Vous pouvez recruter six compagnons « de base » plus quelques compagnons « bonus » (parmi lesquels Minsc et Jaheira, allusions aux premiers jeux qui ne sont finalement pas si intéressants que cela). Ces six compagnons de base peuvent également être interprétés par le joueur. Et c’est ici que nous allons vous mettre un avertissement : la première fois que vous jouez au jeu, créez votre personnage de toute pièce. Et surtout, ne lisez pas le résumé de ces six personnages jouables, vous allez vous faire spoiler des aspects clé de ce qui est censé être de belles rencontres au cours du jeu. En effet, chaque compagnon a son histoire propre (toujours sur la base d’un principe un peu stéréotypé de « personnage avec un sombre secret », un grand classique de D&D que Larian reprend ici comme une allusion au passe-temps duquel BG3 est issu) que vous découvrirez au fur et à mesure de la partie. Des personnalités contrastées que vous adorerez… ou que vous adorerez détester ! Chacune de ces histoires très bien écrites vaut la peine d’être explorée. Malheureusement, il peut être difficile d’accorder suffisamment de temps à chacun de vos compagnons, sachant que vous ne pouvez en emmener que trois avec vous en même temps. Et en fonctions de vos choix, vous pouvez faire de chacun d’entre eux votre ennemi, votre ami, ou plus encore. Une bonne occasion de parler des deux aspects qui peuvent en rebuter certains : la sexualité et le « gore ». La première est parfaitement évitable. Non seulement il est possible de désactiver toute forme de nudité, mais aussi ne verrez-vous rien grand-chose de particulièrement sexuel si vous n’en faites pas le choix. Pour le « gore », par contre, force est de reconnaître que ça va être difficile de l’éviter, sachant que le principe de base du jeu est qu’un parasite se balade quelque part dans votre cerveau. À déconseiller aux estomacs sensibles… Car les graphismes sont particulièrement réussi. Le jeu est porté par le Divinity Engine, le moteur de jeu maison signé Larian, spécialement conçu pour les CRPGs et qui a ici été perfectionné pour donner des images dignes de l’Unreal Engine. Sauf durant la création de personnage où nous avons remarqué que les graphismes étaient parfois un peu moins bons, surtout au niveau des cheveux et de la peau. Pour ce qui est de la bande son du compositeur bulgare Borislav Slavov, elle a quelque chose de très nostalgique et séduisante, tout en restant plutôt discrète. Mais parlons tout de même des quelques défauts du jeu. Vu l’énormité de l’œuvre, on peut en effet comprendre que quelques glitchs s’y cachent. Nous avons effectivement rencontré quelques bugs mineurs dans notre test : un personnage ayant clippé derrière un mur et étant incapable d’en sortir ou encore des oublis de traductions. Mais si les deux premiers actes ont une finition très soignée, le troisième souffre un peu plus de bugs, dont certains peuvent être très gênants. Le jeu peut aussi être très labyrinthique. Si les règles sont très bien expliquées au nouveaux venus, Baldur’s Gate 3 ne vous tient pas par la main. Entre tous les choix possible et l’exploration de la carte, on peut vite se perdre dans un scénario tellement multiple qu’il est parfois difficile d’y voir clair. En ce qui concerne le prix (59,99€), Baldur’s Gate 3 le vaut largement. Vu la masse de contenu présente dans un jeu qui ne demandera jamais d’effectuer des paiements supplémentaires à une époque où les micro transaction sont reines, c’en serait presque bon marché. Et il s’agit d’un jeu intégralement en solo hors-ligne, ce qui est malheureusement de plus en plus rare. Pour autant, il est possible de le parcourir en multijoueur, pour retrouver le plaisir d’une partie de D&D entre amis. Et il y aurait bien plus encore à en dire… Conclusion Il y a des jeux dont on vante les mérites pour leur caractère innovant et inédits. Ce n’est pas le cas de Baldur’s Gate 3. Au contraire, toute sa force, c’est d’avoir pris une des formules les plus anciennes du jeu vidéo, de se baser sur un univers et des règles vieux d’une cinquantaine d’années, et de les porter à un niveau de perfection presque jamais vu. C’est un véritable travail d’artisan porté par trois ans de bêta ouverte qui ont vraiment porté leur fruit. Ce qui donne à ce Baldur’s Gate 3 la qualité d’une œuvre solide, dans laquelle on sent un savoir-faire établi. Si Donjons et Dragons a donné naissance à la plupart des codes du jeu vidéo, il y a quelque chose d’émouvant à voir aujourd’hui, grâce à Larian, le jeu vidéo retourner à son vénérable ancêtre. Avec ses combats au tour par tour, son univers vaste à explorer et ses millions de lignes de dialogues, Baldur’s Gate 3 est un RPG qui marquera les esprits de toute une génération de joueurs, et potentiellement l’un des meilleurs jeux de cette année.