Alors que la grève des scénaristes et des acteurs américains ne faiblit pas, plusieurs voix s’élèvent pour dénoncer une pratique de plus en plus courante : la numérisation des acteurs, et plus particulièrement des figurants. Depuis maintenant plusieurs années, Hollywood s’amuse à recréer numériquement des acteurs et des actrices. Nous avons ainsi pu revoir Carrie Fisher sous les traits de la princesse Leia dans Rogue One et Christopher Reeve en tant que Superman dans The Flash. Et cette tendance semble maintenant de plus en plus s’appliquer aux figurants. Avant toute chose, il faut noter que la multiplication de figurants au moyen du numérique ne constitue pas une nouvelle pratique. C’est ce qui a permis à Peter Jackson de réaliser des scènes de bataille hors-normes dans Le Seigneur des anneaux tout en ayant comme base de travail « seulement » quelques dizaines de milliers de figurants. Mais la reproduction numérique de figurants semble maintenant se répandre au travers de différents types de productions. Comme le révèle la National Public Radio (NPR), lors du tournage de la série Marvel Wandavision, une douzaine de figurants ont été invités à passer dans une caravane. Dans cette caravane, les comédiens ont dû prendre plusieurs poses et arborer plusieurs expressions face à une caméra placée derrière une vitre. « Mains tendues, mains vers l’intérieur. Regarde dans cette direction, regarde de l’autre côté. Fais-nous voir ton air effrayé. Fais-nous voir ton air surpris », explique Alexandria Rubalcaba, l’une des figurantes de la série payée 187 euros par jour. L’objectif était simple : pouvoir réutiliser l’image numérique des figurants et donc ne plus avoir affaire à des personnes physiques. À l’époque, cette méthode avait été justifiée par la crise sanitaire qui impliquait un nombre restreint de figurants sur le plateau. Seulement voilà, Disney se réserve maintenant le droit de réutiliser ces doubles numériques et Alexandria Rubalcaba souligne n’avoir jamais donné son autorisation pour cela. Entre-temps, un représentant de l’association des studios a balayé d’une main les craintes des figurants en expliquant que les doubles numériques pouvaient être seulement utilisés dans le cadre de la production en question. Autant dire que cette défense ne semble pas vraiment convaincre Alexandria Rubalcaba : « et si je ne veux pas être sur MarioVision ou SarahVision ? Je crains que l’IA finisse par éliminer les acteurs d’arrière-plan. Nous n’aurons bientôt plus aucune utilité pour eux ». En juillet dernier, le négociateur en chef de la SAG-AFTRA mettait déjà en garde contre les reproductions numériques des acteurs et des actrices de second plan : « Ils [les studios] ont proposé que les acteurs-figurants puissent être scannés, en échange d’une journée de salaire. Les studios seraient ensuite propriétaires du scan, de leur image et pourraient les utiliser pour l’éternité sur n’importe quel projet de leur choix, sans consentement ni compensation ». À terme, la numérisation des figurants pourrait permettre aux studios d’effectuer des économies conséquentes. Cela d’autant plus lorsque certaines scènes mobilisent plusieurs centaines de figurants et impliquent la confection d’innombrables costumes. Dans tous les cas, ces nouvelles manœuvres des studios hollywoodiens ne risquent pas d’apaiser la grève des scénaristes et des acteurs américains.