Le « crowd funding » fait des émules dans la presse française. Jaimelinfo, qui devrait être lancé très prochainement – sur le site il est mentionné “fin février” -, veut amener les internautes à financer des reportages et des enquêtes. Financer la réalisation de reportages journalistiques de qualité grâce aux dons d’internautes, c’est possible comme l’a démontré l’expérience américaine de www.spot.us. Ce site à visée non commerciale offre depuis 2008 la possibilité à des journalistes indépendants de proposer des projets de reportage et de faire un appel aux dons. Plusieurs articles ont déjà été financés et publiés de cette manière dans de grands journaux comme le New York Times par exemple. Aujourd’hui, le phénomène du « crowdfunding » (financement par la foule), très à la mode dans toute une série de domaines (musique, cinéma, start-up… voir ci-dessous), fait des émules dans la presse française. En octobre dernier, glifpix.fr était lancé sur le modèle de spot.us, avec un succès jusqu’ici mitigé (voir ci-dessous). Et dans très rapidement, le journal en ligne Rue89 va lancer jaimelinfo.fr. Ce site se veut un point de rencontre entre des sites d’information cherchant à améliorer leur contenu ou leurs fonctionnalités et des lecteurs voulant jouer un rôle dans leur modèle économique, via des dons. Les sites et blogs s’inscrivent sur la plateforme, se présentent ou détaillent un projet bien particulier qu’ils voudraient réaliser (reportage, nouvelle fonctionnalité pour le site…). Les internautes peuvent leur fournir une somme en guise de soutien, soit ponctuellement soit sous la forme d’un abonnement mensuel. Pour être référencés, ces sites doivent répondre à une série de critères : produire de l’information originale et vérifiée et ce sur base régulière. Les blogs se cantonnant aux commentaires sont exclus. Pour l’heure, une cinquantaine de sites sont déjà inscrits dont Mediapart, Owni, Arrêts sur image, Euractiv… L’objectif est d’arriver à une centaine de membres d’ici au lancement. « L’idée est née de notre propre expérience, explique Laurent Mauriac, directeur de Rue89 et président de l’association jaimelinfo. On avait régulièrement des gens qui nous téléphonaient pour nous dire qu’ils aimaient notre site et qu’ils voulaient nous aider financièrement. Plutôt que donner un numéro de compte, on s’est dit qu’il y avait peut-être quelque chose de plus ambitieux à faire, en créant une plateforme qui mutualise les dons et crée une dynamique sur le marché. Grâce à un subside du secrétariat d’Etat à l’économie numérique, on a pu concrétiser le projet. » N’est-il pas naïf de croire que les internautes vont payer pour financer des projets rédactionnels alors qu’ils sont déjà très réticents à vouloir acheter de l’information sur internet ? Laurent Mauriac ne le pense pas. « Il est vrai que la démarche d’achat n’est pas naturelle sur internet mais on est ici dans le don, c’est différent. Il n’y a pas de contrepartie, ça ne donne droit à rien. Le mécénat fonctionne bien dans d’autres domaines, pourquoi pas pour la presse ? En outre, Jaimelinfo ne vise pas le grand public mais des communautés d’internautes qui sont très attachées à leur site d’information et qui seront prêtes à le soutenir parce qu’elles y trouvent des informations différentes. Contribuer à l’élaboration d’un projet a aussi un côté valorisant pour ces internautes. » L’expérience Jaimelinfo est unique dans la presse française. Son succès va avant tout dépendre des sites eux-mêmes « car ce sont eux qui auront la tâche de promouvoir la plateforme », souligne Laurent Mauriac. Mais, selon lui, il ne faut pas en attendre des miracles. « Jaimelinfo n’a pas l’ambition de résoudre tous les problèmes de financement de la presse en ligne. C’est une nouvelle source de revenus qui s’ajoutera aux autres. Un coup de pouce, rien de plus. » Jean-François Munster